Revue Art Absolument N°78 – juillet-août 2017 - Aperçu - page 10

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Zad Moultaka. ŠamaŠ – Soleil Noir Soleil
Pavillon du Liban, Arsenal Nord
(arrêt vaporetto Bacini), Venise
Du 13 mai au 26 novembre 2017
Commissariat : Emmanuel Daydé
Pour sa troisième participation à la Biennale de Venise, le Liban recrée un
temple du Soleil et de la Justice avec l’installation de Zad Moultaka,
ŠamaŠ –
Soleil Noir Soleil
, dans l’ancien Arsenal militaire. Et la guerre et la paix
sourdent dans l’œuvre de l’artiste, entre mur des lamentations, veau d’or,
prières immémoriales et code interstellaire : Venise a trouvé son chaman.
PAR MURIEL MAALOUF
C’est une immersion visuelle et sonore
à laquelle nous convie Zad Moultaka. Ce
musicien confirmé – qui a déjà extrait
la prière du
Livre des morts tibétain
d’un
moteur de Ferrari avec sa pièce
UM souve-
rain moteur de toute chose
et qui a confronté
le zapateado sauvage d’une danseuse de
flamenco au son de violents bombarde-
ments avec
NON
, en hommage au journa-
liste assassiné Samir Kassir – est aussi un
plasticien remarquable – qui fait surgir des
ombres visuelles et vocales dans le tunnel
des Tuileries ou photographie des légumes
dans la nuit comme autant de constellations
sumériennes inconnues. Le voici qui accède
à la Biennale de Venise, dans le saint des
saints de l’art contemporain. Installée dans
une Tesa, l’une de ces anciennes cales
sèches de la Renaissance transformées
en grands hangars industriels alignés dans
l’Arsenal. Une œuvre où le son et l’image
communient, enveloppent le visiteur.
D’abord, c’est le noir où perce la voix, l’ins-
trument musical par excellence. Trente-
deux haut-parleurs placés au sol, le long
des murs, correspondent à autant de chan-
teurs : seize hommes et seize femmes se
répondent en psalmodiant l’hymne au dieu
du Soleil, en des chants venus des confins
du temps, dans une langue inconnue ou
oubliée, peut-être à l’origine du langage.
Une lumière ténue se fait peu à peu et
dévoile unmur brillant recouvert demilliers
de piastres libanaises dorées, tentation de
l’or, mosaïque byzantine, plan d’une ville
en ruine… Et au milieu du hangar se dresse
l’ombre d’un moteur de bombardier, objet
phallique, métallique et glacé. Le chant spi-
rituel se fait alors déflagration, grondement
menaçant : raids aériens venus des souve-
nirs d’enfance de l’artiste à Beyrouth (où il
a grandi durant la guerre civile du Liban,
avant de s’installer à Paris à l’âge de dix-
sept ans) mais aussi combats persistants
aujourd’hui dans unMoyen-Orient embrasé.
Puis le chant s’éteint, le langage se meurt,
devient balbutiement. Il faut réapprendre les
mots… La prophétie surgit, salvatrice peut-
être, apaisante sûrement, dans la voix d’une
enfant qui parle à la place du dieu :
«
Puisse ce désastre être entièrement
anéanti !
murmure la petite voix.
Comme la
DE ZAD MOULTAKA
LE PAVILLON D’OR ET DE NUIT
DOSSIER
VENISE
Zad Moultaka.
ŠamaŠ – Soleil Noir Soleil
.
2017, vue du chœur de l’Université antonine du Liban
(direction : Toufic Maatouk). Pavillon du Liban, Venise.
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