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            Sites éternels, de Bâmiyân à Palmyre – voyage au cœur des sites
          
        
        
          
            du patrimoine universel
          
        
        
          Grand Palais, Paris
        
        
          Du 14 décembre 2016 au 9 janvier 2017, entrée libre
        
        
          Commissariat g n ral : Jean-Luc Martinez et Sylvie Hubac
        
        
          Entretien avec Emmanuel Daydé
        
        
          de Jean-Luc Martinez
        
        
          Le mal de pierres
        
        
          Avec Jean-Luc Martinez, la France tient enfin son
        
        
          Monument Man
        
        
          . Soucieux des destructions spectaculaires et du
        
        
          trafic intense d’antiquités sur les sites antiques assyriens, comme Nimroud, Hatra, Ninive ou Khorsabad en Irak,
        
        
          sumériens, comme Mari, ou romains, comme Palmyre, en Syrie, le président de la République François Hollande
        
        
          a confié au Président-directeur du Louvre une mission sur la protection des biens culturels en situation de conflit
        
        
          armé. Au-delà de la réouverture accélérée du musée national irakien de Bagdad et de la restitution de ses 15 000
        
        
          pièces volées en février 2016, Jean-Luc Martinez est intervenu au G7 en mai et a remis 50 propositions françaises
        
        
          pour protéger le patrimoine de l’humanité. Les expositions du Louvre-Lens sur la Mésopotamie antique et du Grand
        
        
          Palais sur quatre « sites éternels » du Moyen-Orient, en essayant de sensibiliser tout un chacun à la notion de
        
        
          patrimoine universel, font partie de ce dispositif de guerre à la guerre.
        
        
          Emmanuel Daydé |
        
        
          
            Que reste-t-il quand
          
        
        
          
            tout a disparu ? C’est un peu la
          
        
        
          
            question que vous vous posiez
          
        
        
          
            lorsqu’il y a quelques années
          
        
        
          
            vous imaginiez une exposition
          
        
        
          
            au Louvre sur Praxitèle – sans
          
        
        
          
            montrer une seule œuvre origi-
          
        
        
          
            nale du sculpteur grec antique.
          
        
        
          
            N’est-ce pas ce que vous vous
          
        
        
          
            êtes demandé lorsque le pré-
          
        
        
          
            sident Hollande vous a confié
          
        
        
          
            cette mission pour un plan de
          
        
        
          
            sauvegarde des sites menacés
          
        
        
          
            par la guerre et la destruction?
          
        
        
          Jean-Luc Martinez |
        
        
          Quand on s’occupe
        
        
          d’archéologie et de civilisations
        
        
          anciennes, celles-ci ont en effet
        
        
          irrémédiablement – et j‘insiste
        
        
          sur le mot – disparu. Le travail
        
        
          des archéologues est un travail
        
        
          de reconstitution d’un passé qui
        
        
          n’existe plus, ce qui constitue une
        
        
          véritable problématique actuelle.
        
        
          Beaucoup de gens ont l’impres-
        
        
          sion que le passé est une chose en
        
        
          soi, que certains s’acharneraient
        
        
          à détruire. Or non, le passé est
        
        
          toujours le fruit d’une reconstruc-
        
        
          tion. Les sites archéologiques que
        
        
          nous voyons aujourd’hui sont déjà
        
        
          le fruit du travail des générations
        
        
          qui nous ont précédés.
        
        
          
            Les destructions perpétrées en
          
        
        
          
            ce moment même au Moyen-
          
        
        
          
            Orient sont toujours présen-
          
        
        
          
            tées de manière spectaculaire
          
        
        
          
            et tragique – les Bouddhas de
          
        
        
          
            Bâmiyân dynamités en 2001, les
          
        
        
          
            statues assyriennes dumusée de
          
        
        
          
            Mossoul détruites à la masse et
          
        
        
          
            au marteau-piqueur en février
          
        
        
          
            2015 et les sites d’Hatra et de
          
        
        
          
            Nimroud au bulldozer enmars de
          
        
        
          
            la même année. La perte de ces
          
        
        
          
            joyaux archéologiques est-elle
          
        
        
          
            totale et absolue?
          
        
        
          On nous pose souvent la ques-
        
        
          tion – à mon sens, un peu superfi-
        
        
          cielle – de savoir s’il faut construire
        
        
          ou reconstruire à l’identique les
        
        
          monuments détruits. Or la ques-
        
        
          tion ne se pose pas en ces termes.
        
        
          Les sites archéologiques que nous
        
        
          connaissons aujourd’hui sont de
        
        
          deux ordres : les sites habités et
        
        
          ceux qui ne le sont plus. Un site
        
        
          habité n’est pas lié à une époque
        
        
          mais à plusieurs. Le krak des
        
        
          Chevaliers en Syrie a été habité
        
        
          jusque dans les années 1920-30.
        
        
          Tel qu’il est conservé actuelle-
        
        
          ment, le krak n’est donc pas celui
        
        
          du Moyen Âge mais la survivance
        
        
          d’un site continuellement utilisé par
        
        
          les hommes. La seconde catégorie
        
        
          concerne les sites archéologiques
        
        
          qui ont été soit détruits naturel-
        
        
          lement ou accidentellement, soit
        
        
          abandonnés. L’histoire de ces cités
        
        
          antiques s’est peut-être arrêtée
        
        
          momentanément, comme c’est le
        
        
          cas avec la cité-État amorrite de
        
        
          Mari, située près de la frontière
        
        
          sud-est de la Syrie, incendiée par
        
        
          le roi Hammourabi de Babylone
        
        
          en 1759 av. J.-C., ou comme avec
        
        
          Reconstruction en 3D de l’Arche de Palmyre.
        
        
          Iconem, DGAM.
        
        
          Dossier
        
        
          
            MÉSOPOTAMIE