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          )
        
        
          no 14    •    aut omne 2005    page
        
        
          
            67
          
        
        
          Conférence par le  célèbre et pourtant encore méconnu artiste symboliste Odilon Redon.
        
        
          Hollande, Janvier 1913.
        
        
          Domaine Public
        
        
          Odilon Redon : À soi-même
        
        
          Ce ne sont pas ici des souv enirs que je donne, mais
        
        
          des avis sur moi, des av eux, des témoignages, à
        
        
          seule fin si possible de faire indirectement jour sur
        
        
          mon art. Je le lui dois. Bien que j’en c onnaisse les
        
        
          défauts et les faiblesses, j’en ai le respect. Il m’est
        
        
          revenu de sa signification et de sa portée sur l’esprit
        
        
          de quelques-uns des échos si touchants, si sérieux,
        
        
          inattendus, éveillant aussi ma surprise, que je ne fais
        
        
          que participer à son e xpansion en m’oc cupant
        
        
          encore de lui par la plume, et en tâchant de projeter
        
        
          sur l’esprit de quelques autr es, un peu plus l oin,
        
        
          quelque chose encore du premier effet.
        
        
          Et soyez assurés que j’écris ici impas sionnelle-
        
        
          ment, sans rien d’altier, rien de ma personne, mais
        
        
          avec le désir de la soustraire. Je ne voudrais pas
        
        
          me départir de la réserve et retenue qu’il est bien-
        
        
          séant de garder en parlant d’un art où l’on est en
        
        
          cause. Tout n’est pas vanité chez celui qui accepte
        
        
          ses propres dons avec curiosité reconnaissante, et
        
        
          sans aucune envie de ceux des autres : il se soumet
        
        
          docilement aux soins de la culture de ses facultés
        
        
          pour le plaisir d’en recueillir les fruits, et de l es
        
        
          partager avec ceux qui les attendent et les aiment.
        
        
          Je poursuis donc le cours de ce récit pour eux, pour
        
        
          ceux qui m’approuveront dans la tâche et qui sau-
        
        
          ront voir aussi qu’elle est toute simple.
        
        
          Lorsque je produisais autrefois des dessins et des
        
        
          lithographies, et que je publiais c elles-ci, j’ai reçu
        
        
          bien des fois des lettres d’inconnus me disant leur
        
        
          attachement à cet art, et me révélant une émotion
        
        
          exaltée. L’un d’eux m’avouait avoir été touché jus-
        
        
          qu’aux sentiments religieux et en av oir reçu la foi.
        
        
          Je ne sais si l’art a de tels pouvoirs ; mais j’ai dû, dès
        
        
          lors, envisager moi-même avec plus d’égards cer-
        
        
          tains de mes travaux, et particulièrement ceux que
        
        
          j’exécutais naguère à des heures de tristesse, de
        
        
          Odilon Redon.
        
        
          Femme voilée.
        
        
          Vers 1895-1899, pastel, 47,5 x 32 cm. Rijksmuseum Kröller-Müller, Otterlo.
        
        
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