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50
(
artabsolument
)
no 13 • été 2005
À la fois sculpteurs, architectes et archéologues, Anne et Patrick Poirier explorent des sites
et des vestiges issus de civilisations anciennes afin de les faire revivre. Leurs œuvres sont
les témoignages d’une mémoire aussi collective qu’individuelle – une mémoire onirique,
subjective et pourtant réelle. Entretien avec deux artistes inclassables.
Artiste
Anne et Patrick Poirier :
la mémoire vive
Entretien avec Anne Dagbert
Anne Dagbert : Depuis vos premières œuvres
au début des années 70 –
Villa Médicis
(1970-
1971),
Ostia Antica
(1971-1972) – et les sui-
vantes –
Domus Aurea
(1975-1978),
Villa Adriana,
Circular Utopia
(1979-1980,
Mnemosyne
(1990-
1991) – votre travail constitueune mise en scène
de la mémoir e. Dans v os travaux récents,
vous mettez l’accent sur la violence de notre
époque, comme dans
Danger Zone
(2001), où
vous présentez les traces imaginaires de la
civilisation du XX
e
siècle dans une “cabane
d'archéologue” du futur. Vous vous dites à la
fois archéologues et architectes : comment
expliquez-vous ce passage d'une mémoire
des lieux du passé, à laquelle vous vous atta-
chiez dans vos constructions ruiniformes, à
celle des destructions de notre siècle ?
Anne et P atrick Poirier : Notre travail est
entièrement lié à notr e vie. Nos pr emiers
voyages, comme à Ankhor en 1970, et nos
promenades pendant notre séjour à la Villa
Médicis (1967-1971) ont été le point de
départ. Nous nous sommes aperçus d'une manière pragma-
tique et expérimentale que la mémoire est une chose infini-
ment précieuse, au niveau culturel et personnel. Au début,
nous nous sommes plus intéressés au culturel et au collectif
parce que c'ét ait une époque où l es identités cultur elles
étaient menacées par un début de mondialisation. Le t ou-
risme s'étant tellement développé en 30 ans, il n'y a pratique-
ment plus de sit es inc onnus. La mémoir e c ollective es t
peut-être mieux connue, mais elle a perdu un peu de son
âme, parce qu'elle est devenue une denrée de consommation
commerciale avant d'être culturelle, phénomène dont on
voyait tout le danger, ce qui s'est vérifié à l'heure actuelle. Au
plan personnel, nous avons utilisé la mémoire sur un mode
intuitif, de manière voilée et métaphorique. Par exemple, la
guerre était sous-entendue dans la métaphore de la ruine.
Il y avait à la fois une réminiscence d'une catastrophe person-
nelle dans le cas de Patrick (son père fut tué en 1943 dans un
bombardement à Nantes), et malheureusement une prémo-
nition de celle qui nous a aff ectés avec la mort de notr e fils.
Le thème de la fragilité de la vie était alors l'autre face du
thème de la mémoire. Lors de notre séjour au Getty Research
Institute à Los Angeles en 1994-1995, nous av ons participé
à une réflexion sur le thème de la mémoire avec des cher-
cheurs, phil osophes, his toriens de l'art, psy chanalystes,
anthropologues. Susan Sontag revenait de Sarajevo et faisait
un travail sur une bibliothèque inc endiée. Étant les seuls
artistes, nous avons proposé une exposition de l'état de leur
recherche. Nous av ons imaginé un c abinet de curiosités,
Curiositas,
dont la quinzaine de tiroirs contenait une installa-
tion idéale miniature de la recherche de chaque “scholar”.
Du 9 juillet au 9 octobre 2005.
Espace d'art contemporain
André Malraux, Colmar.
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