Revue Art Absolument n°92 - Mars/Avril 2020 - Aperçu - page 11

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Première pensée, esquisse préparatoire, Académie,
pochade sur le vif, composition au carreau, à échelle,
étape dernière en vue d’être présentée au comman-
ditaire ou tirée sous presse, voire portrait intime à
vocation d’hommage, les très belles œuvres de la
collection Prat, patiemment collectées durant plus
de quarante ans, couvrent l’ensemble de l’histoire
de l’art français depuis sa renaissance des guerres
de religion. Mieux encore que de présenter toutes
les occasions qui engageaient les artistes à dégai-
ner leurs crayons, elles nous évadent dans une série
d’histoires : celle des fables qu’elles illustrent et qui,
parfois trop érudites, ne se concrétiseront jamais en
peinture, celle aussi, bien sûr, de la gésine du peintre
et du sculpteur qui cherche, scrute, interroge les effets
de lumière, de texture, de position, les échelles et les
rendus, celle enfin qui raconte une carrière, une évo-
lution, unmanifeste esthétique, des découragements
et des espoirs déçus. Genèse de l’œuvre en grand,
elles peuvent ailleurs rappeler l’invention d’un succès
au bénéfice d’une clientèle moins chanceuse.
Surtout, ce précieux glanage, finement éclectique,
reflète un goût, une pensée, et ne s’excuse plus de la
justification des Goncourt écrivant quelque part s’être
repliés sur le dessin faute de ressources suffisantes.
De goût, il n’est jamais question que du meilleur qui,
LA COLLECTION PRAT,
ET MÊME “LE DERNIER DESSIN
DE MON PAUVRE PÈRE”
PAR VINCENT QUÉAU
LA FORCE DU DESSIN. CHEFS-D’ŒUVRE DE LA COLLECTION PRAT
PETIT PALAIS, PARIS. DU 24 MARS AU 12 JUILLET 2020
COMMISSAIRES : PIERRE ROSENBERG, CHRISTOPHE LERIBAULT
APRÈS 25 ANS D’ABSENCE PARISIENNE, LA COLLECTION PRAT S’EFFEUILLE DANS LES
GALERIESDUPETIT PALAIS ETMONTRE TOUTDÈS LAFINMARS…UNE SAINTENUE, UNE
PIANISTE LÉGÈRE ET, PARMI DES SATYRES DE BOUCHER, LA
FOLIE FAISANT FUIR LA
RELIGION
DE PIERRE, SOIT LA TRANSMUTATION DE L’HISTOIRE MODERNE DU DESSIN
FRANÇAIS EN 184 SPÉCIMENS.
en plus d’intéresser à ce qui est digne du spécialiste,
sait repérer maintes feuilles majeures, témoignages
concrets d’un moment primordial de création.
Collectionner le dessin semble bien ici le signe de ce
que les mêmes Goncourt désignent ailleurs comme
l’évidence d’un goût suprême ; or, Véronique et
Louis-Antoine Prat le possèdent en plus d’un instinct
de partage qui nous entraîne vers de vieilles connais-
sances ou de merveilleuses découvertes.
Charles Le Brun.
Femme nue accroupie, le genou gauche à terre, de profil à gauche
.
XVII
e
siècle, sanguine et rehauts de blanc sur papier crème, 32,4 x 23,4 cm.
Collection Prat.
UNE ÉMULATION ROMAINE
La présentation s’ouvre par le Grand Siècle et un
Colisée
à la plume et au lavis d’encre brune de
François Stella l’Ancien, fondateur naturalisé d’une
prolixe famille de peintres et graveurs lyonnais, qui
nous rappelle la fascination exercée par les ves-
tiges de la Rome antique sur toute une génération
formée auprès des Romanistes de l’école nordique
(Mabuse ou Frans Floris entre autres). Suivent deux
dessins majeurs de Poussin dont un
Enlèvement de
Proserpine
, une
Aurore sur son Char
par François
Perrier (1594-1649) qui prépare le plafond du
Salone
au palais Peretti-Almagià de Rome, une
Madeleine
par le Lorrain provenant de la collection de Christine
DESSIN, DES MOTS ET DES LIGNES
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