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CARLA BECCARIA
Vous avez trois expositions simul-
tanées à Paris et pour chacune d’elles une
vision s’exprimant au travers d’un médium
spécifique – la céramique, le collage et le bois.
Le matériau contribue-t-il à déterminer votre
iconographie?
MARK BRUSSE
Pour moi, la matière est très impor-
tante. Mais le plus important, c’est la première
vision que j’ai et que je veux réaliser sans vrai-
ment savoir d’où cette vision, ce flash, vient ou
ce qu’elle veut dire. En peinture, c’est plus clair,
je vois l’image précisément, et quand je com-
mence à travailler, j’essaie de lui rester fidèle.
En revanche, avec la terre glaise, comme je ne
me sers presque pas d’outils et que j’utilise sur-
tout ma main, j’arrive forcément à des formes
que je n’aurais pas pu imaginer, souvent très
organiques. Je laisse alors parler la matière,
car il faut respecter ses spécificités, ses vertus
mais aussi ses limites. Avec la céramique, il faut
suivre sa main, rester dans le sillon de son ima-
gination propre.
de Mark Brusse
Dans les années 1960-70, vous vous êtes princi-
palement attelé à un art d’assemblage, parfois
ouvertement rustique avec les
Clôtures
puis
plus sophistiqué – dans les
Soft Machines
et
les
Strange Fruits
. Diriez-vous que ces formes
continuent d’être présentes dans vos travaux
plus contemporains?
Oui, totalement… Quand je suis venu à Paris, j’ai
trouvé un espace dans un grenier qui apparte-
nait à une remise du cimetière Montparnasse,
rempli de grandes planches de bois pour le
coffrage des tombes… Que de bois ! Je n’avais
jamais eu l’intention de travailler avec ce maté-
riau mais j’avais très peu d’argent, et il ne me
fallait qu’une scie, des clous et un marteau pour
m’en servir. C’est de cette façon que j’ai décou-
vert la beauté et la vertu du bois et curieuse-
ment, je suis resté fidèle à cela. La forme de ces
« objets » était presque dictée par la longueur
de la planche que je trouvais, comme avec les
premiers objets muraux que j’ai réalisés. Après,
j’ai commencé à ajouter d’autres éléments…
De fait, cette contrainte matérielle se prolonge
dans mon travail actuel : quand je dessine sur
une feuille de papier, je commence par tracer
avec un pastel à l’huile le contour, avec l’idée
que dans cet espace, j’ai une liberté totale, qu’il
s’agit de mon espace, duquel je ne déborde pas.
No worry.
2017, tenture réalisée au Bénin, 118 x 80 cm.
Courtesy de l’artiste et galerie Vallois, Paris.
ENTRETIEN AVEC CARLA BECCARIA
Proche dans les années 1960 des expérimentations des Nouveaux
Réalistes et du groupe Fluxus, l’art aux mille et une clés de lecture
de Mark Brusse interpelle par son caractère nomade. En plus de la
parution de sa monographie,
Un peu de sel sur la queue d’un oiseau
,
trois expositions lui sont consacrées à Paris en cette fin d’année 2018.
L’occasion de revenir avec lui sur plusieurs moments d’une œuvre
décidée à rester mobile.
Les langages migrateurs
Mark Brusse. Céramiques
Galerie Louis Carré & Cie, Paris
Du 29 novembre 2018 au 11 janvier 2019
Mark Brusse. Autour du Bénin
Galerie Vallois, Paris
Du 6 décembre 2018 au 5 janvier 2019
Mark Brusse. Collages
Galerie Luc Berthier, Paris
Du 22 novembre au 15 décembre 2018
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