Art Absolument 86 - novembre/décembre 2018 - aperçu - page 11

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Dans son
Iconologia
, publié en 1593, Cesare Ripa
choisit une figure féminine pour allégorie des
Arts : « Une femme agréable, qui paraît ingé-
nieuse à sa mine et qui est vêtue d’une robe
verte. […] » Manuel en direction des artistes et
des savants, l’ouvrage s’inspire de la fascination
néoplatonicienne pour le langage de l’ancienne
Égypte – déjà perdu lors de la conquête romaine
et dont les
Hieroglyphica
d’Horapollon, redécou-
verts en 1420 dans une île grecque, pourraient
être un spécimen – afin de compiler diverses
figures destinées à illustrer mouvements de
l’âme et autres abstractions. Sans doute, l’usage
allégorique de la femme demeure majoritaire
tout au long de ses pages, toutefois, il est plai-
sant de penser que ce choix de Ripa ne fut pas
uniquement dicté par la tradition, mais repré-
sente, en quelque façon, un hommage à cer-
taines de ses contemporaines si brillamment
artistes en dépit de leurs jupons…
Galatée
désarme
Pygmalion
Caravagesques, les femmes
L’influence du milieu
Que le nombre de femmes peintres dans l’his-
toire de l’art moderne soit infime reste incon-
testable jusqu’à une date récente. Toutefois,
il convient de ne pas enfermer ce déséqui-
libre dans une interprétation à l’aune de nos
réflexes car la pratique de la peinture au fémi-
nin demeure bien moins une question de sexe
que d’appartenance sociale – ainsi au faîte de
son prestige, même Marie Leszczynska s’en
délassera du sacerdoce de reine de France
sous la dictée d’Oudry… Car le point commun
qui réunit Lavinia Fontana, Artemisia Gentileschi
ou Elisabetta Sirani – plus loin encore, la
démonstration vaut pour une Judith Leyster,
une Elisabeth-Sophie Chéron, une Claudine
Bouzonnet-Stella, une Madeleine Boullogne ou
encore une Marguerite Gérard au siècle suivant,
etc. – reste leur appartenance à une lignée. Pas
véritablement une révolution dans le monde
humaniste de la Renaissance finissant, cette
appropriation de la peinture par des filles ou des
femmes correspond à des pratiques courantes
chez les artisans lorsqu’un veuvage contraignait
l’épouse à reprendre l’activité du défunt. Signe
plutôt prosaïque de spécialisation, elle témoigne
surtout de la primauté culturelle acquise par la
peinture, décidément bien détachée des vils arts
mécaniques, qui sait former l’excellence sans y
Les Dames du Baroque. Femmes peintres dans l’Italie du XVI
 e
et XVII
 e
siècle
Musée des Beaux-Arts, Gand. Du 20 octobre 2018 au 20 janvier 2019
Commissariat : Valentine de Beir, Alain Tapié et Francesco Solinas
Artemisia Gentileschi.
Judith et sa servante.
Vers 1615-18, huile sur toile, 114 × 93,5 cm.
Galleria Palatina di Palazzo Pitti, Florence.
PAR VINCENT QUÉAU
En ces heures difficiles de crispation entre les genres,
le rafraîchissement, comme souvent, nous arrive de
Belgique où le musée des Beaux-Arts de Gand redonne à
voir le rôle de premier plan joué par les femmes peintres
des écoles italiennes dès la fin du XVI
e
siècle.
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