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HESSIE,
LA BRODEUSE DE L’OMBRE
C’est grâce à la Donation Daniel Cordier et lors de l’accrochage
elles@cen-
trepompidou
que l’historienne de l’art Sonia Recasens, qui travaille sur la
temporalité, la spiritualité et la visibilité des femmes artistes, a découvert le
travail de Carmen Juric, alias Hessie. Touchée par son approche originale de
la matière, elle organise aux Abattoirs de Toulouse, avec Annabelle Ténèze,
sa conservatrice, une étonnante rétrospective sur les deux vastes espaces du
rez-de-chaussée.
PAR RENAUD FAROUX
«File la laine, filent les jours. Garde ma peine
et mon amour. Livre d’images des rêves
lourds, ouvre la page à l’éternel retour… »
Jacques Douai
À l’époque où son mari, le peintre Dado,
exposait à la galerie Nahon, on rencon-
trait sa femme Hessie mais personne
ne savait qu’elle produisait elle aussi,
dans une discrétion feutrée et obstinée,
une activité artistique. Aux antipodes du
monde très dessiné et noir de son époux,
Hessie propose une approche minimale à
base de tissus, de coutures, de broderies,
de déchets domestiques, de boutons…
Ainsi la critique Aline Dallier la place-t-
elle dans les années 1970 dans le groupe
des «Nouvelles Pénélopes », ces artistes
militantes qui se réapproprient les arts
alors considérés comme «mineurs» où on
aime enfermer les femmes pour mettre en
avant de façon subversive la valeur artis-
tique de leur utilisation du textile. Hessie
crée un véritable questionnement sur le
langage et son esthétique minimale et
poétique prend aujourd’hui toute sa place
entre l’Arte povera et Support/Surface :
elle fait de ses mains habiles des œuvres
et non pas des ouvrages.
Hessie. Survival Art.
Les Abattoirs, Toulouse
Du 29 septembre 2017 au 21 janvier 2018
Commissariat : Sonia Recasens
et Annabelle Ténèze
Déchets collages grillage
. 1978-79, papiers d’emballage
cousus sur tissu de coton, 115 x 62 cm.
Courtesy galerie Arnaud Lefebvre, Paris.