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EMMA LAVIGNE,
FLÂNER DANS UN MONDE
FLOTTANT
temps et dans une recherche d’intensité.
Pour la Biennale, j’ai souhaité m’écarter
du postmodernisme et de la stricte citation
des formes modernes. J’ai plutôt relu le
concept comme le déclencheur de nou-
velles formes, de nouvelles pensées. C’est
devenu un filtre qui m’a permis de relire
certaines propositions contemporaines.
À quelles formes et quelles pensées
faites-vous allusion?
En poésie, on peut reculer le curseur
de la modernité à la fin du XIX
e
siècle, en
1897, quand Mallarmé écrit
Un
coup de
dés jamais n’abolira le hasard
. Comme l’a
dit Broodthaers, il invente ainsi l’espace
moderne, celui de tous les possibles, de
l’ouverture, de la fragmentation et de la
disjonction. Cette notion va de pair avec
quelque chose relevant de l’ordre de la
perturbation. On retrouve cela chez Rilke
quand il écrit combien il est « étrange de
voir ainsi que tout ce qui se rattachait,
librement vole de-ci, de-là, dans l’espace
sans lien ». En s’interrogeant sur la place
du poète dans la vie moderne, tout ce qui
autour de lui était cohérent se délite et se
met à flotter – d’où le titre de la Biennale.
Dans cette relecture de la modernité, je ne
me suis donc pas cantonnée aux formes
plastiques – d’ailleurs citées par plusieurs
artistes –, pour favoriser une certaine
ouverture qui se déploie dans la littérature,
le son et la musique, avec Satie ou Debussy,
la danse avec Isadora Duncan et Duchamp
bien sûr, avec lequel le concept demoderne
se retrouve aussi bien dans l’air encapsulé
Une flânerie dans un monde flottant : c’est ainsi que l’on pourrait décrire la
prochaine Biennale de Lyon, sous le commissariat d’Emma Lavigne, également
directrice du Centre Pompidou-Metz. Une exposition qui incarnera pleinement
sa conception du commissariat, portée sur l’ouverture et traversée par les
idées de porosité et de processus.
ENTRETIEN AVEC CLÉMENT THIBAULT
Clément Thibault |
La Biennale de Lyon a ceci de
spécial qu’elle est constituée d’un thème :
« Moderne » pour la seconde édition
consécutive…
Emma Lavigne |
J’ai souhaité traiter ce mot
comme un concept évolutif. Il a souvent
été redéfini, notamment depuis le postmo-
dernisme, avec la définition de nouveaux
avatars du moderne, tel l’altermoderne
de Nicolas Bourriaud, etc. Aujourd’hui, on
parle beaucoup des êtres hypermodernes,
pris dans l’accélération croissante du
Mondes flottants – Biennale de Lyon
La Sucrière / Le macLYON, Lyon
Du 20 septembre 2017 au 7 janvier 2018
Commissariat : Emma Lavigne