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            Expositions
          
        
        
          Par Emmanuel Daydé
        
        
          
            Velázquez
          
        
        
          Grand Palais, Paris. Du 25 mars au 13 juillet 2015
        
        
          Commissariat : Guillaume Kientz
        
        
          
            Ribera à Rome. Autour du premier
          
        
        
          Apostolado
        
        
          Musée des Beaux-Arts, Strasbourg. Du 28 février au 31 mai 2015
        
        
          Commissariat : Dominique Jacquot,
        
        
          Guillaume Kazerouni et Guillaume Kientz
        
        
          yeux, le concept l’est pour l’entendement ».
        
        
          Transformant l’improvisation en art,
        
        
          Francisco de Quevedo, le poète satirique
        
        
          qui représente avec le plus de vigueur le
        
        
          conceptisme baroque, annonce l’esthétique
        
        
          de l’instant de Velázquez.
        
        
          Vérité et réconciliation
        
        
          Car le pinceau de l’artiste est persuadé,
        
        
          comme Montaigne, que « chaque homme
        
        
          porte la forme entière de l’humaine condi-
        
        
          tion». Cette condition humaine commune,
        
        
          il va la dénicher aussi bien dans la jeune
        
        
          mulâtresse touchée par la grâce au milieu
        
        
          de sa cuisine (Dieu se trouve aussi parmi
        
        
          les casseroles » disait sainte Thérèse
        
        
          d’Avila) de
        
        
          
            La Mulata
          
        
        
          , que dans le drastique
        
        
          portrait frontal en pied de
        
        
          
            L’Inquisiteur
          
        
        
          
            Sebastian de Huerta
          
        
        
          , récemment identifié
        
        
          (et daté des débuts de l’artiste à Madrid,
        
        
          vers 1626 ou 1628). Voire aussi – quoique de
        
        
          manière plus exceptionnelle, dans un pays
        
        
          où les modèles féminins ont l’interdiction
        
        
          Peut-on faire une rétrospective de Velázquez sans
        
        
          Les Ménines ?
        
        
          Oui, répond le
        
        
          Grand Palais, car c’est un monument qui empêche de voir pleinement l’œuvre
        
        
          du peintre de la condition humaine. Tandis que la révélation d’un
        
        
          Apostolado
        
        
          de
        
        
          Ribera à Strasbourg rappelle la dette tardive de Velázquez au caravagisme, la
        
        
          rétrospective parisienne souligne comment le Sévillan opère sa propre révolution
        
        
          picturale au soleil couchant de l’Espagne.
        
        
          « Ce n’est pas assez que la substance, il
        
        
          y faut aussi la circonstance » affirmait le
        
        
          jésuite Baltasar Gracián. La substance
        
        
          du Siècle d’or espagnol, c’est l’or des
        
        
          Amériques, mais la circonstance, ce sera
        
        
          la naissance de Diego Velázquez en 1599 –
        
        
          soit un an après la mort de Philippe II, le
        
        
          « roi-Planète ». L’âge d’or d’une Espagne
        
        
          qui domine le monde – l’ancien comme le
        
        
          nouveau – touche à sa fin. Don Quichotte
        
        
          du crépuscule des idoles, Velázquez est
        
        
          souvent tenu pour un maître de l’évanouis-
        
        
          sement des formes et non pour un penseur
        
        
          subtil de l’être. Il est vrai qu’on considère
        
        
          souvent le conceptisme du
        
        
          
            Siglo de Oro
          
        
        
          pour quantité négligeable – voire indi-
        
        
          gente –, notamment face au rationalisme
        
        
          de Descartes en France, au déterminisme
        
        
          de Spinoza aux Pays-Bas ou encore à l’em-
        
        
          pirisme de Hobbes en Angleterre. Si l’on
        
        
          veut bien admettre toutefois que la peinture
        
        
          pense, alors le réalisme du «Je peins donc
        
        
          je suis» velázquézien vaut certainement le
        
        
          « Je pense donc je suis » cartésien. Pour
        
        
          Gracián, « ce que la beauté est pour les
        
        
          Velázquez et lenéant