Apercu AA64 - mars/avril2015 - page 15

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Expositions
L’Empire du sultan.
Le monde ottoman dans l’art de la Renaissance
Palais des Beaux-Arts, Bruxelles. Du 27 février au 31 mai 2015
Commissariat : Dr. Guido Messling, Dr. Robert Born
et Michal Dziewulski (co-commissaire)
Par Christine Buci-Glucksmann
Vers une autre visionde laRenaissance
«Venise en Orient »
Ce déplacement du regard commence
à Venise, cette ville où « l’œil d’Orient »
est partout, de Saint-Marc bâtie sur le
modèle de l’église des Saints-Apôtres de
Constantinople au
Fondaco dei Turchi
, siège
des marchands ottomans, sans oublier
le rythme ornemental des palais et des
façades avec leurs entrelacs et leurs arcs
brisés. Et puis cette frontière aquatique
et fluide comme à Istanbul, au point que
Deborah Howard a pu écrire que Venise
était «une ville d’Orient »
1
.
1479 : la Sérénissime, fière de ses siècles
d’échanges marchands, culturels et
diplomatiques avec l’Orient, envoie
Gentile Bellini comme ambassadeur à
Constantinople sur la demande du sultan
Mehmet II, désireux de s’ouvrir à l’Ouest et
Dans le cadre du printemps 2015 consacré au regard de « l’autre », Bozar (Palais des
Beaux-Arts de Bruxelles) organise une exposition internationale qui pourrait changer
la vision classique de la Renaissance. Car si, en dépit des guerres, des rivalités, des
peurs et des préjugés, l’Empire ottoman a bien partie liée avec la Renaissance, exer-
çant une véritable fascination sur les artistes, de Venise à Nuremberg ou Cracovie
(où l’exposition se tiendra ultérieurement), c’est bien parce que les échanges cultu-
rels des XV
e
et XVI
e
siècles ont ouvert un nouveau chapitre dans l’histoire du regard
entre l’Orient et l’Occident. Et même un « déplacement du regard », au sens d’Hans
Belting, qui vous entraîne dans un véritable voyage artistique.
Provenant des plus grands musées,
160 pièces sont exposées : livres de
costumes, de plantes, cartes et vues de
Constantinople, manuscrits et objets
scientifiques, tapis et tissus ottomans
voisinent avec la peinture, abolissant les
frontières traditionnelles entre l’art et l’art
décoratif. Et ce jusqu’à l’hybridation des
pratiques : dans tel plat d’Iznik, on peut
apercevoir un jeune Italien perdu dans le
décor, et dans un autre document donné
par le sultan à Laurent de Médicis, une
girafe tenue en laisse. Comme si l’es-
thétique de la miniature rejoignait sou-
dainement celle des grandes peintures
de Bellini, Titien, Véronèse, Dürer ou
Memling, avec leur splendeur, leur
colorito
et leur amour de la précision.
L’Europe et l’Empiredu sultan
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