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Éditorial
Nul doute que, à la suite des attentats ter-
roristes commis par de soi-disant musul-
mans, en fait des psychopathes qu’il faut
impérativement mettre hors d’état de nuire,
la tentation du repli identitaire traverse la
population française.
Sous le couvert de «l’incompatibilité de l’Is-
lam avec la République» – brandie par des
formations politiques tour à tour antisémites
et islamophobes dont on peut regretter que
trop de grandsmédias se fassent l’écho –, le
poison du populisme est désormais inoculé
dans l’opinion de beaucoup.
La vigilance s’impose car le déni de l’histoire
engendre toujours des discours de haine et,
à terme, la plus grande des violences.
Il importe que nous nous interrogions sur
« l’identité » de la France : dans quelle
nation voulons-nous vivre au juste ? Celle
de la fin du XIX
e
siècle, « de souche » et
de civilisation exclusivement chrétienne ?
Celle d’un agrégat de communautés fan-
tasmatiquement circonscrites à leurs
seules croyances religieuses ? Ou celle
d’une société une et diverse – hybride de
par ses héritages culturels et ses civilisa-
tions plurielles – qu’est la réalité « laïque»
de la France de ce début du XXI
e
siècle?
Nous sommes à la croisée des chemins : à
chacun sa responsabilité, son engagement,
sa capacité de résistance.
La compréhension de l’autre est absolument
nécessaire pour saisir que celui-ci est à la
fois semblable et différent de nous-mêmes ;
qu’il est un et multiple comme n’importe
quel individu. Il s’agit d’additionner non
de soustraire, de rassembler non de divi-
ser. De donner à entendre et à voir ceux et
celles qui, loin de jeter de l’huile sur le feu,
œuvrent pour une analyse lucide des enjeux;
ceux et celles qui surmontent les clivages au
bénéfice d’un vouloir vivre ensemble.
Pour nous, l’accent doit être mis sur l’édu-
cation et la culture puisque la connaissance
et la création sont par définition des ouver-
tures sur ce que nous ignorions jusque-là,
des possibles de ce que nous aurions pu
être ou devenir. Pour ce qui concerne le
monde de l’art contemporain, en France,
plutôt que de s’arc-bouter sur « son petit
pré carré» qui exclut tout ce qui n’est pas
soi, il est urgent de privilégier le talent
d’où qu’il vienne ; et ce, non seulement en
paroles mais aussi en actes.
Depuis la création de notre revue en 2002,
nous avons consacré des dossiers à plus de
200 artistes dont la plupart vivent en France,
et ce, quels que soient leur origine, leur
génération, leur genre, leur médium. Notre
intention est de continuer plus que jamais !
La visibilité de l’autre – la reconnaissance de
ce qu’il nous donne et nous révèle – est aussi
un désir d’élargissement de
la conscience
:
de tout temps, celle-ci a été
l’arme de l’esprit
la plus efficace pour lutter contre l’obscu-
rantisme et la démagogie.
Pascal Amel, Teddy Tibi
L’ignorance tue