 
          
            5
          
        
        
          Éditorial
        
        
          Nul doute que, à la suite des attentats ter-
        
        
          roristes commis par de soi-disant musul-
        
        
          mans, en fait des psychopathes qu’il faut
        
        
          impérativement mettre hors d’état de nuire,
        
        
          la tentation du repli identitaire traverse la
        
        
          population française.
        
        
          Sous le couvert de «l’incompatibilité de l’Is-
        
        
          lam avec la République» – brandie par des
        
        
          formations politiques tour à tour antisémites
        
        
          et islamophobes dont on peut regretter que
        
        
          trop de grandsmédias se fassent l’écho –, le
        
        
          poison du populisme est désormais inoculé
        
        
          dans l’opinion de beaucoup.
        
        
          La vigilance s’impose car le déni de l’histoire
        
        
          engendre toujours des discours de haine et,
        
        
          à terme, la plus grande des violences.
        
        
          Il importe que nous nous interrogions sur
        
        
          « l’identité » de la France : dans quelle
        
        
          nation voulons-nous vivre au juste ? Celle
        
        
          de la fin du XIX
        
        
          e
        
        
          siècle, « de souche » et
        
        
          de civilisation exclusivement chrétienne ?
        
        
          Celle d’un agrégat de communautés fan-
        
        
          tasmatiquement circonscrites à leurs
        
        
          seules croyances religieuses ? Ou celle
        
        
          d’une société une et diverse – hybride de
        
        
          par ses héritages culturels et ses civilisa-
        
        
          tions plurielles – qu’est la réalité « laïque»
        
        
          de la France de ce début du XXI
        
        
          e
        
        
          siècle?
        
        
          Nous sommes à la croisée des chemins : à
        
        
          chacun sa responsabilité, son engagement,
        
        
          sa capacité de résistance.
        
        
          La compréhension de l’autre est absolument
        
        
          nécessaire pour saisir que celui-ci est à la
        
        
          fois semblable et différent de nous-mêmes ;
        
        
          qu’il est un et multiple comme n’importe
        
        
          quel individu. Il s’agit d’additionner non
        
        
          de soustraire, de rassembler non de divi-
        
        
          ser. De donner à entendre et à voir ceux et
        
        
          celles qui, loin de jeter de l’huile sur le feu,
        
        
          œuvrent pour une analyse lucide des enjeux;
        
        
          ceux et celles qui surmontent les clivages au
        
        
          bénéfice d’un vouloir vivre ensemble.
        
        
          Pour nous, l’accent doit être mis sur l’édu-
        
        
          cation et la culture puisque la connaissance
        
        
          et la création sont par définition des ouver-
        
        
          tures sur ce que nous ignorions jusque-là,
        
        
          des possibles de ce que nous aurions pu
        
        
          être ou devenir. Pour ce qui concerne le
        
        
          monde de l’art contemporain, en France,
        
        
          plutôt que de s’arc-bouter sur « son petit
        
        
          pré carré» qui exclut tout ce qui n’est pas
        
        
          soi, il est urgent de privilégier le talent
        
        
          d’où qu’il vienne ; et ce, non seulement en
        
        
          paroles mais aussi en actes.
        
        
          Depuis la création de notre revue en 2002,
        
        
          nous avons consacré des dossiers à plus de
        
        
          200 artistes dont la plupart vivent en France,
        
        
          et ce, quels que soient leur origine, leur
        
        
          génération, leur genre, leur médium. Notre
        
        
          intention est de continuer plus que jamais !
        
        
          La visibilité de l’autre – la reconnaissance de
        
        
          ce qu’il nous donne et nous révèle – est aussi
        
        
          un désir d’élargissement de
        
        
          
            la conscience
          
        
        
          
            :
          
        
        
          de tout temps, celle-ci a été
        
        
          
            l’arme de l’esprit
          
        
        
          la plus efficace pour lutter contre l’obscu-
        
        
          rantisme et la démagogie.
        
        
          Pascal Amel, Teddy Tibi
        
        
          L’ignorance tue