été 2007 • no 21 •
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artabsolument
)
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Éditorial
Le vidéaste Thierry Kuntzel vient de décéder à un âge
prématuré. Avec lui, disparaît un pan de beauté à
venir, un pan de cette beauté dont il aurait pu nous
faire bénéficier s’il avait vécu les années qui lui étaient
– en principe – imparties. Restent ses œuvres qui
nous dispensent cette
vérité de la contemplation
régulièrement décriée dans l’art contemporain et
pourtant si précieuse pour tout un chacun ; car la
beauté – chez Mark Rothko, Yves Klein, Aurélie
Nemours, Simon Hantaï, Bill Viola, Anish Kapoor,
James Turrell, Rebecca Horn, Jean-Baptiste Huynh,
Ange Leccia… pour ne citer que quelques noms parmi
ceux auxquels nous songeons – n’est pas seulement
plénitude de l’esprit et des sens, elle nous confronte
également à notre propre fugacité : toute contempla-
tion est dépouillement de l’ego et épreuve de la
grande durée : tension entre la conscience que nous
avons de la relativitéde toute vie individuelleet ouverture
sur ce qui est plus intense et plus vaste que nous-
mêmes : une expérience des limites – un “absolu”.
C’est dire que cette expérience, aussi nécessaire
sans doute que l’oxygène aux poumons, ne peut être
à la mode ou démodée : elle est l’un des invariants de
l’être – et en tant que tel demeure l’un des possibles
de l’art que quelques artistes, sans doute plus sen-
sibles que d’autres au scandale de l’existence du mal
et de la souffrance ici-bas, décident de créer. Les
œuvres d’art ne sont pas uniquement liés au constant
renouvellement de styles et de formes reflétant
l’époque d’où elles sont issues, elles naissent égale-
ment du souci de consciences singulières régies par
une
éthique de la bonté
: elles sont aussi un “vaccin”
que crée l’artiste pour lui-même et pour autrui.
Pascal Amel et Teddy Tibi
PS :
Une fois n’est pas coutume nous nous faisons l’écho d’une pétition de principe
L’art c’est la vie
qui circule
depuis quelques semaines parmi les artistes (dont plusieurs – pas des moindres – ont fait l‘objet d’un dossier
dans l’un de nos numéros). Ces derniers estiment que trop d’institutions publiques (Centre Georges-Pompidou,
CulturesFrance, FRAC, etc.) imposent une esthétique unique, quasi-officielle – en l’occurrence la conceptuelle
post-duchampienne – et paraissent «obsédées par l’art
tendance
, les accrochages
big-bang
, et l’art spectacle».
Rappelons que, pour nous, si la “scène française” existe, comme nous avons pu le voir dans
La force de l’art
ou
comme l’induit le projet
Monumenta
(un artiste + le Grand Palais), elle ne peut être que plurielle, diverse, ouverte
(toutes générations, styles, médiums, origines représentés). C’est ce qui a fait du Paris de l’entre-deux guerres
la capitale artistique que l’on sait ; et ce qui, sans nul doute, fera d’elle un nouveau pôle culturel international
incontournable. Le débat est ouvert. Nous y reviendrons dans notre prochain numéro.
Le beau dans l’art contemporain (hommage à Thierry Kuntzel)
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