Tout se passe comme si Alberti avait été pris au mot. On sait le contresens fameux par
lequel on voudrait que le tableau fût comme une fenêtre ouverte sur le monde, alors
que la lettre du
De pictura
(II, 19) parle d’une « fenêtre ouvrant sur la représentation
d’une histoire (
historia
) » – autrement dit sur un espace déjà pictural. La série des
Dia
,
entreprise dans les années 90, contrevient à la production du motif par seule déduction
du cadre. Les multiples “fenêtres” n’étaient pas seulement déduites de la forme du
châssis, mais comme induites par une couche faisant surface, par un fond affleurant.
L’essentiel était là : produire une pein-
ture dont l’avènement ne soit ni projec-
tif ni déductif mais inductif. Les
dernières œuvres de François Jeune
prennent le problème à bras-le-corps,
puisqu’aux vagues dégagements car-
rés ou rectangulaires qui étaient
encore pensés négativement (trou,
percée, brèche), elles substituent
quelque chose de l’ordre du signe, avec
toute sa positivité et sa consistance.
Rien de calligraphique cependant, rien
François Jeune, peinture sur peinture
>
Peinture
de dessiné. Tout concourt à empêcher le pinceau de
se faire calame, au nom d’une procédure que le
peintre nomme lui-même « peinture sur peinture ».
Dans ses derniers petits formats, en effet, François
Jeune utilise un fond peint
ready
-
made
(des repro-
ductions de miniatures persanes, de gravures japo-
naises ou d’enluminures médiévales le plus souvent,
des reproductions de peintures, parfois) officiant
comme le subjectile d’une peinture laissant appa-
raître des réserves. Advient une sorte d’écriture
négative ou en creux mettant en crise toute opposi-
tion du fond et du motif. Cette peinture oblige ainsi à
penser un signe nonmarqué mais purement inductif :
le signe – figure, motif, marque – n’est pas projeté sur
un fond mais affleure à la surface, selon une dyna-
mique d’assomption. On ne s’étonnera pas, dès lors,
de l’intérêt du peintre pour les techniques artisanales
de la marqueterie, du damasquinage ou encore de
l’émail en champlevé – toutes procédures qui, «des-
sinant les intervalles » comme il le dit lui-même,
donnent au fond sa puissance agissante. Le Moyen
Âge chrétien avait certes déjà pensé, sous l’espèce
des images
achéiropoiètes
(“non faites de main
d’homme”) – la Véronique et autres saintes faces –
Par Bertrand Prévost
>
Dia 100.
1996, acrylique sur toile, 204 x 202 cm.
François Jeune, peinture sur peinture
Exposition du 13 au 30 mars. Passage
de l’Art, Marseille
Exposition du 17 au 7 avril. Galerie Frank
Gerlitzki, Luxembourg
| ACTU |
Ci-contre :
Sans titre.
2006, acrylique sur toile, 240 x 140 cm.
1...,4,5,6,7,8,9,10,11,12,13 15,16,17,18,19,20