|
esthétique
|
dessin
| photographie |
domaine public
|
sculpture
|
peinture
|
région
|
bibliothèque
|
évènements
|
(
artabsolument
)
no 11 • hiver 2005 page
45
marqueur culturel ne va plus de soi, là où les choses perdent leur
stricte intégrité et entrent en confrontation.
Si Sophie Ristelhueber travaille souvent sur les zones de conflit,
ce n’est en aucun cas pour y représenter directement la guerre.
À ce titre, ses images ne s’apparentent pas au photojournalisme
dans la mesure où elle ne cherche pas à s’inscrire dans le vif de
l’action pour “couvrir” les évènements. Elle n’enregistre pas
l’immédiateté des faits et ne montre donc pas la fureur dont rend
compte l’information, au point parfois de la neutralisation. La
photographie est plutôt pour elle une manière d’opérer un
décentrement par rapport à la violence spectaculaire des
conflits. Sans fascination pour le feu, elle privilégie les cendres,
comme le suggèrent ses nombreux motifs d’architectures
dévastées (
Beyrouth, Photographies
, 1984). Témoins des affron-
tements, les constructions urbaines en ruines ont été arrachées
à la vie, figées, avant même que son appareil ne les extraie des
griffes du temps. En conséquence, ce sont des traces de
ce qui a
eu lieu
quand le médium photographique
affirme également
ce qui a été
. Cela revient
à dire que les décombres peuvent déjà
être interprétés comme la représentation
d’une existence passée, à l’image du jar-
din de l’ambassade de France au Liban,
enregistré en noir et blanc. Le bassin
accueillait une eau stagnante tandis que
la végétation meurtrie proliférait sans
ordre. La décrépitude de ce lieu, encore
utilisé il y a peu, pouvait signifier l’anéan-
tissement de toutes choses. Mais sa portée
symbolique révélée par la photographie
est aussi une manière de résister à la fuite
du temps. L’image tente en effet de sous-
traire le jardin à sa désagrégation en souli-
gnant son intemporalité.
Sophie Ristelhueber.
Damas Bagdad, 1999.
Extrait du livre
Détails du monde
, Acte Sud 2002.
>