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44
(
artabsolument
)
no 11 • hiver 2005
Aux frontières de la guerre
Aumilieu d’un désert qui s’observe à perte
de vue, la présence d’un panneau de
signalisation semble comme incongrue :
la route qu’il indique ne se distingue pas
du sol rocailleux, si bien que ses directions
opposées paraissent inventer un tracé
invisible sur ce territoire indifférencié. Les
deux villes inscrites sur le panneau défi-
nissent toutefois un espace géopolitique
qui est loin d’être anodin. Il s’agit des capi-
tales de la Syrie et de l’Irak, Damas et
Bagdad, dont la puissance d’évocation est
ici accentuée par le retrait d’une localisa-
tion explicite. La photographie a été prise
en 1999, quelque part à la frontière entre
les deux pays, sans qu’il soit permis de
préciser de quel côté. Ainsi, la ligne de
partage entre les nations se donne dans
toute son abstraction, c’est-à-dire au bord
de sa propre disparition. Elle montre sa
fragilité face à la plaine aride, dépourvue de signe physique qui
faciliterait sa distinction. Plus qu’une nette démarcation, la fron-
tière s’étend comme un interstice, un espace flottant, un non-lieu
à l’identité incertaine. Or, c’est bien cette limite que l’on retrouve
dans un grand nombre d’œuvres de Sophie Ristelhueber. Depuis
ses premiers clichés à Beyrouth en 1982 jusqu’à son plus récent
travail en Cisjordanie, l’artiste n’a cessé de se placer là où un tel
Artiste conceptuelle engagée dans une réflexion sur les frontières de l’art et de l’identité,
Sophie Riestelhueber privilégie les “zones de conflit” comme matériau photographique.
Analyse d’une pratique aussi radicale que singulière.
Photographie
Les délicates blessures
de Sophie Ristelhueber
Par Fabien Danesi
Sophie Ristelhueber.
Beyrouth, photographies.
1984, tirage argentique, 19 x 28,5 cm.
Sophie Ristelhueber : WB
MAMCO – Genève
Du 22 février au 27 avril 2004.
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