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artabsolument
)
no 11 • hiver 2005 page
9
Au-delà de l’égyptomanie du XIX
e
siècle trop souvent empreinte d’exotisme et de décorum,
les artistes du XX
e
siècle ont-ils voulu concrétiser à travers leurs œuvres le sentiment de la
grande durée ? L’immémorial ? Le sacré ?
À l’occasion de l’exposition Pharaon,
(art absolument)
a interrogé Christiane Ziegler,
Conservateur général du département des Antiquités égyptiennes du Louvre. Et ouvert ses
pages à l’artiste peintre François Jeune, en quête de cette question depuis son séjour à Louxor.
Esthétique
Pharaon et l’art d’aujourd’hui
Les visages de Pharaon
Entretien avec Christiane Ziegler, commissaire de l’exposition
Art Absolument : Le désert et le cercle absolu de l’horizon, la trajectoire du soleil le
long de la voûte du ciel, la lente poussée régulière du Nil sur des milliers de kilo-
mètres, la mosaïque des champs d’orge, de blé, de maïs dans l’enfer minéral, ont-
ils façonné l’art égyptien? Autrement dit, l’invention de la géométrie, le primat de la
structure sur l’anecdote sont-ils intrinsèquement liés à la topographie de l’Égypte?
Christiane Ziegler : Évidemment, nous ne pouvons pas le nier. Je pense aussi que
ces déserts minéraux se caractérisent par l’horizontalité, ce qui est un trait du
monument égyptien – le goût des lignes dépouillées. Ceci dit, il n’est pas néces-
saire d’avoir un déterminisme trop physique. Lorsque vous évoquez “la lente
poussée régulière du Nil”, vous pensez à l’inondation, mais il ne faut pas négliger
ses contrastes entre un mince ruban qui est un lieu de vie où tout est possible, la
terre noire d’Égypte, et les pays environnants qui sont a priori hostiles ; tout sim-
plement, il y a toujours une dualité dans la pensée égyptienne, que ce soit par rap-
port à la conception de la royauté, ou bien du cycle solaire. On peut dire que cette
pensée se construit sur un système binaire.
L’invention de la géométrie, pour laquelle l’irrigation a servi d’école, et la prédo-
minance de la ligne droite occupent une place privilégiée dans l’architecture égyp-
tienne, surtout quand on la compare avec celle du Proche-Orient ancien ou du
royaume africain de Kerma, où la courbe est l’élément prédominant. Le matériau
lui-même joue un rôle important dans l’art et l’architecture. Ainsi, l’utilisation de
la pierre pour les monuments destinés à l’éternité engendre des formes et des
possibilités différentes de celles réalisées en bois ou en brique crue : par exemple,
les voûtes existent très tôt dans les constructions de brique crue.
Statue colossale
de Toutankhamon.
Nouvel Empire, XVIII
e
dynastie,
quartzite peint, 305x102x90.
Musée égyptien, Le Caire.
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