46
leuse autojustification, acceptededépendredu regardde
ceux devant lesquels elle se dresse, voire tire son énergie
et sa forme même de ceux auxquels elle s’adresse.
«Mes sculptures ne sont pas des œuvres-objets. Chaque
œuvre est une réponse à une invitation. Je travaille toujours
en relation avec les personnes qui m’invitent.»
1
Ce rapport au lieu, aucommanditaire, évoque, plus encore
que lecélèbre
Monument deTârguJiu
deBrancusi en 1938,
les réponses singulières au lieuqu’inventeDanielBurenen
recourant dès 1971 à la notion d’
in situ
qu’il n’explicite réel-
lement qu’en 1985 en la glosant par la notion de «transfor-
mation du lieu d’accueil. [...] Cette transformation pouvant
être faite pour ce lieu, contre ce lieu ou en osmose avec
ce lieu. […] L’“
in situ
” veut dire enfin dans mon esprit qu’il y a
un lien volontairement accepté entre le lieu d’accueil et le
travailqui s’y fait, s’yprésente, s’yexpose»
2
; on songeaussi,
évidemment, à lanotionde
site-specificity
telleque la forge
RichardSerrapourdésigner l’acuitéd’un rapport spécifique
au lieuqui fait desasculpturepubliqueune réponse, certes
critiquemais très singulière, aux éléments particuliers d’un
site donné, dans sa géographie, son usage social.
La différence entre les installations monumentales de
Christian Lapie et celles de Daniel Buren ou de Richard
Serra ne tient pas à la manière qu’elles auraient de s’in-
tégrer au lieu ; la sculpture, nécessairement, si elle n’est
pas un simple objet posé, modifie en profondeur, méta-
morphose l’espace environnant et en bouleverse com-
plètement la perception. La différence essentielle tient à
mon sens en l’esprit même de cette métamorphose qui
demeure chez Christian Lapie de l’ordre du dialogue, de
la conversation d’égal à égal tenue entre un lieu et une
œuvre. Pour dire les choses par métaphore, lorsque je
contemple une création de Christian Lapie installée en
un site, que l’installation soit provisoire ou définitive – je
songe à
Un silence sans ombre
dans l’abbaye de Noirlac
en 2015, aux figures
Dans l’intervalle
dans l’espace public
à Reims depuis 2011 – la définition que Paul Celan donnait
du poème me revient immanquablement en mémoire :
« Je ne vois pas de différence entre une poignée de
primacy of its own plastic qualities or any pretentious self-
justification, this work is willing to depend on the gaze of
those it stands before, and even to draw its energy and its
very form from those it addresses.
“My sculptures are not art objects. Eachwork is created
in response to an invitation. I always work in relation to
the persons who invite me.
1
”
This relationship to the place and themain sponsor evokes,
even more than Brancusi’s famous
Sculptural Ensemble
at Târgu Jiu
in 1938, the singular response to place that
Daniel Buren invented in 1971 by adopting the notion of
in
situ
sculpture. Buren did not make this idea fully explicit
until 1985 , when talking about the notion of sculpture
“transforming the host site. [...] This transformation can be
made for the place, against the place or in osmosiswith the
place. […] Finally, tomymind, ‘on-site’means there is a freely
accepted connection between the host site and the work