Art Absolument 87 - janvier/avril 2019 - aperçu - page 28

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Propos de
Suzanne Tarasieve
recueillis par
Renaud Faroux
La galerie Suzanne Tarasieve fête ses quarante ans !
Sa fondatrice revient sur son parcours depuis ses débuts
à Barbizon jusqu’à son travail avec les maîtres du néo-
expressionisme allemand. Elle s’attarde sur lemarchéde l’art
et évoqueses relationsavec lesartistesqu’elleadécouverts.
SUZANNE
TARASIEVE,
LE REGARD INSOUMIS
Renaud Faroux : Comment êtes-vous entrée dans le
monde de l’art ?
Suzanne Tarasieve :
Je suis d’origine slave, un peu tout feu
tout flamme, mais en réalité très pudique, profonde et
grave… Je cache mon côté sérieux. J’ai failli mourir à 18
ans et quand je m’en suis sortie je me suis dit que je ne
ferais pas n’importe quoi de ma vie. J’ai une conscience
exacerbée des minutes à vivre. La mort est éternelle, pas la
vie ! La souffrance engendre la conscience et cela a dominé
mon existence. Il faut trouver sa voie comme dans le Tao.
Mes deux grandes préoccupations dans la vie sont l’art et la
médecine. Une œuvre d’art doit pouvoir parler instinctive-
ment et puis après on peut la lire de façon intellectuelle. Je
cherche à ce que l’art me questionne. Si cela ne m’étonne
pas, cela ne m’intéresse pas ! À 11 ans, on m’a offert trois
livres qui ont changé ma vie : Jérôme Bosch, Edvard Munch
et Ludwig Kirchner… Mon père ne connaissait pas l’art,
ma mère était couturière et c’est sûrement d’elle que j’ai
hérité mon goût pour l’esthétique. J’ai grandi dans le Berry
profond, Buzançais dans l’Indre ! J’allais à Châteauroux
où il y avait deux galeries amateures. Au début, je voulais
être peintre ! J’ai d’ailleurs vendu deux tableaux ! Quand
j’ai débarqué à Paris, j’ai d’abord été pionne puis profes-
seure d’art plastique et je passais mon temps à visiter les
galeries avenue Matignon, rue Saint-Honoré, rue de Seine.
Avec mes premiers sous, j’ai acheté des gravures, des livres
d’art… Je m’intéressais aussi beaucoup à la céramique et
c’est d’ailleurs grâce à un ami céramiste que j’ai trouvé un
espace à Barbizon où j’ai ouvert ma première galerie en
1978. Comme je ne connaissais personne là-bas, j’ai choisi
1 000 noms dans le Bottin, tous les notables, les avocats,
les notaires, les médecins…, et dès l’ouverture, j’ai eu du
monde. J’y suis restée 25 ans ! J’ai commencé à travailler
avec des artistes de l’école de Paris, un groupe qui s’appe-
Vue de l’exposition
Insoumises expressions
,
galerie Suzanne Tarasieve, Paris, 2018.
Œuvres de Sigmar Polke et Georg Baselitz.
Courtesy galerie Suzanne Tarasieve, Paris.
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