Art Absolument 85 - septembre/octobre 2018 - apercu - page 19

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En 1857 s’ouvre le procès Giovanni Pietro
Campana intenté par les États pontificaux, son
employeur, au titre de détournements de fonds
et de malversations touchant son administration
du Mont-de-Piété romain. Jugé et convaincu,
l’impécunieux marquis, qui confondait les fonds
publics à ses finances particulières, y gagne les
geôles lugubres de San Michele ; sa collection
se voit saisie, mise à l’encan, dispersée. Ainsi,
en 1861, quelque douze mille objets achetés
par Napoléon III intègrent le Louvre en y fon-
dant des départements entiers ! Et pourtant,
tel ne faillit pas être le cas. Effectivement, son
intégralité ayant été offerte au Tsar Alexandre II,
ce dernier recula devant la dépense avant de se
raviser et d’envoyer Stepan Gedeonow, directeur
des galeries de l’Ermitage, y choisir les pièces
les plus saillantes, soit 727 chefs-d’œuvre dont
certains allaient se révéler discutables, telles
ces fresques de la Villa Spada sur le Palatin,
aujourd’hui données anonymement à l’atelier de
Raphaël. En outre, leMusée de South Kensington
(l’actuel Victoria&Albert Museum) réalisait, en
1860, l’achat de 84 pièces, constituées en majo-
rité de majoliques et encore d’un Donatello.
Le marquis Campana,
un larron magnifique
D’autres merveilleuses épaves échouaient à
Bruxelles, Florence, Rome, ailleurs, après que
les autorités françaises les aient retoquées. Fin
de partie. Le marquis, libéré, exilé à Naples et
bientôt errant, pouvait bien entrer en tractations
pour recouvrer certains biens hérités, il n’en
récupérera rien ; puni ici-bas, nul doute que la
charitable justice vaticane n’ait fait prier pour
le repos de son âme égarée lors de son trépas
survenu en 1880…
La croissance
d’un héritage
Successeur au Mont-de-Piété de son père
et grand-père (l’un « archéologue », l’autre
numismate), Campana se voit confirmer direc-
teur général avec pleins pouvoirs par le pape
Grégoire XVI en 1833 et dut rapidement faire
preuve de sa capacité aux affaires car, long-
temps maintenu en poste, il sera même anobli
par le roi voisin des Deux-Siciles. Mais plus
que sa carrière, ni même la catastrophe bien-
heureuse pour la France, la figure historique
intéresse comme fruit d’une société pontifi-
cale revivifiée par l’invasion napoléonienne.
Fondamentalement moderne, il s’engoue pour
la politique visant la fondation d’une nation
italienne et commande campagnes de fouilles
Un rêve d’Italie : la collection du marquis Campana
Musée du Louvre, Paris. Du 7 novembre 2018 au 11 février 2019
Commissariat : Françoise Gaultier, Laurent Haumesser et Anna Trofimova
Buste d’Ariane
.
III
e
siècle av. J.-C., Falerii Novi.
Musée du Louvre, Paris.
PAR VINCENT QUÉAU
Mutilé au bas des cartels anorexiques des musées du monde
entier, cet «
anc. coll. Campana
», souvent illisible, lilliputien,
couvre de son opacité la vie d’un collectionneur, érudit, patriote,
faussaire et même voleur, mais à qui le Louvre rend un hommage
bien légitime tout l’hiver.
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