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À l’automne 2014, la photographe Jacqueline Salmon
se rend au sud-ouest du Japon, dans la région de
Senzaki. Quelque temps auparavant, elle a pu lire les
poèmes laissés par Misuzu Kaneko, native de ce coin
de l’archipel aux falaises abruptes balayées par les
flots. À travers ses écrits et sa courte vie, se tressent
ensemble mémoire et histoire. Celles d’une jeune fille
éprise de poésie, mariée de force et à laquelle on
enlève son enfant, qui se soustrait à la vie à 27 ans.
Celles aussi d’un Japon en proie à une crise d’iden-
tité, dont les conflits entre modernité et tradition
s’expriment dans la langue elle-même.
Remisés depuis sa disparition en 1930, les vers de
Misuzu Kaneko – qui indiquent « là où il y a de la
lumière », comme elle a pu l’écrire avec une simpli-
cité désarmante et tout en images – ont dû attendre
1982 pour sortir de l’ombre. Désormais largement
reconnue dans son pays natal, la poétesse n’avait
jusqu’alors pas été publiée dans notre langue. De
Senzaki, la photographe a rapporté un livre, dont
nous publions un extrait ici, sous une forme alter-
native. Paru chez Érès, il se fait journal de bord et
stases photographiques pour Jacqueline Salmon, et
méditation avec Christine Buci-Glucksmann, pour
qui pensée du temps au Japon et vie de Misuzu
Kaneko se font écho. Et, bien entendu, ces poèmes
de peu et de tout laissent entendre leur voix tintin-
nabulante, qui trouve un écho sans étouffer dans les
vues de la photographe.
Tom Laurent
JAPON
JACQUELINE SALMON
AU PAYS DE
MISUZU KANEKO