Art Absolument 85 - septembre/octobre 2018 - apercu - page 13

29
LA CALLIGRAPHIE
DE YU-ICHI INOUE,
ŒUVRE PLASTIQUE,
ŒUVRE DE SENS
REPRÉSENTANT, AVEC SHIRYÛ MORITA,
DE LA CALLIGRAPHIE CONTEMPORAINE
JAPONAISE, YU-ICHI INOUE A TRANS-
FORMÉ CET ART NÉ EN CHINE IL Y A PLUS
DE TROIS MILLE ANS, OÙ LES PREMIERS
IDÉOGRAMMES RETROUVÉS SUR DES
CARAPACES DE TORTUES POSSÉDAIENT
UNE FONCTION RELIGIEUSE, À SAVOIR
D’ÉMETTRE DES ORACLES. SI PAR LA
SUITE SONT NÉS DIFFÉRENTS STYLES
D’ÉCRITURE DONT L’ÉCRITURE CURSIVE
DÉFINIE AVEC LE CARACTÈRE «HERBE»,
LE JAPONAHÉRITÉ DE CETTE TRADITION
À LA SUITE DE L’ADOPTION DES IDÉO-
GRAMMES CHINOIS TOUT EN OFFRANT
CERTAINES PARTICULARITÉS COMME
L’ÉCRITURE ENKANAS (LES DEUX SYLLA-
BAIRES UTILISÉSDANS LA LANGUE JAPO-
NAISE). À L’IMAGE DE YU-ICHI INOUE,
REPRODUIRE LESCARACTÈRES TELSQUE
LESMAÎTRES LES AVAIENT ÉCRITS RESTE
UNEMÉTHODE ENCORE D’ACTUALITÉ DE
NOS JOURS, COMME VIENT DE LE MON-
TRER L’EXPOSITION CONSACRÉE À CE
MAÎTRE CONTEMPORAIN À LA MAISON
DE LA CULTURE DU JAPON À PARIS,
VISIBLE À ALBI CET AUTOMNE.
PAR ISABELLE CHARRIER
Au moment de la modernisation du Japon, sous la
dynastie Meiji (1868-1912), un débat sur sa valeur
fait rage : en 1883, celui-ci se cristallise autour de
l’affirmation selon laquelle « la calligraphie n’est pas
un art
1
 ». Malgré la défense éclairée de cette activité
artistique par le directeur de l’école des Beaux-Arts
de Tokyo d’alors, Okakura Tenshin, la calligraphie est
restée en retrait par rapport à la peinture et il a fallu
attendre 1948 pour qu’elle soit représentée dans le
salon national Nitten. Cependant, dès 1933, un cou-
rant de calligraphie contemporaine dans lequel est
revendiqué l’emploi de textes d’auteurs modernes –
japonais ou non – voit le jour. Yu-Ichi Inoue y joue
un rôle révolutionnaire, introduisant une nouvelle
pratique basée sur l’utilisation d’énormes pinceaux
balais et de la peinture laquée tout en fondant son
acte créatif sur le mouvement du corps. Tout son
être réagit avec force à l’instant même où il trace
les idéogrammes, tandis qu’il innove en traçant les
«gros caractères », en général un caractère unique,
qui occupent l’ensemble de l’espace du papier.
Parmi eux,
HANA (« fleur »),
TSUKI (« lune »)
ou encore
HIN («dénuement »). Durant l’action,
Yu-Ichi Inoue émet un cri car, pour lui, la vocalité fait
partie prenante de l’écriture en la précédant ou en
l’accompagnant. Le son, le vocal sont présents dans
les œuvres et dans leur réalisation, quitte à ce que les
sutras ou les poèmes soient lus à haute voix : «Écrire
comme un fou les yeux fermés. Ne pas se laisser
entraver par la forme. Être le pinceau corps et âme
2
 »,
professe le calligraphe. Ainsi veut-il faire savoir ce
Muga A
(Non-moi A).
1956, encre sur papier.
The National Museum of Modern Art, Kyoto.
YU-ICHI INOUE (1916-1985).
LA CALLIGRAPHIE LIBÉRÉE
MUSÉE TOULOUSE-LAUTREC, ALBI
DU 29 SEPTEMBRE
AU 17 DÉCEMBRE 2018
JAPON
1...,3,4,5,6,7,8,9,10,11,12 14,15,16,17,18,19,20,21,22,23,...36
Powered by FlippingBook