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Dossier
Images du bonheur
Réduit à un regrettable pléonasme,
inventé par ce XIX
e
siècle corseté de
tromperie, Fragonard incarne toujours
l’archétype du peintre de la licence.
Sans jamais confondre les amours,
le Luxembourg relit ce génie indisso-
ciable d’âges alanguis soupirés par M.
de Talleyrand.
Car il convient de reconsidérer Fragonard
sans le voile doctrinal d’une morale bour-
geoise allègrement tartuffe et péremp-
toirement gardienne de bonnes mœurs
dont les résurgences picotent aujourd’hui
encore les diktats politiques. En commen-
çant par rétablir les nuances dans un voca-
bulaire galvaudé par les scories déformées
d’une langue qui tend naturellement vers
la simplification. Effectivement, si le liber-
tin s’est révélé aux jours de la Régence
amant de son plaisir conçu comme simple
fin, notre époque baignée de laïcité tend
trop souvent à oublier la négation du
catholicisme – cette religion du renonce-
ment au corps – qu’implique l’existence
toute entière des sybarites et des petites-
maîtresses du XVIII
e
. Sans doute ne se
livrent-ils plus aux douces délectations
des sens, bruyamment orchestrées durant
la
Semaine sainte
ou le
Carême
, comme du
temps de Théophile de Viau, Bussy-Rabutin
ou du comte de Vermandois, cependant on
préfère alors les boudoirs aux chapelles,
ce qui détonne fondamentalement dans un
pays chrétien. L’amour s’étend jusqu’à des
contrées calquées sur la carte de Tendre,
quand la galanterie impose un code moder-
nisant à peine les chastes attentions du
Moyen Âge courtois. L’érotisme lui-même
renferme toute une prosodie amoureuse
qui doit s’entendre selon une acceptation
bien moins prosaïque que nous le faisons
aujourd’hui, avec des raffinements senti-
mentaux plus tendres. N’en demeure pas
moins que Fragonard illumine comme
le peintre des grâces de ce siècle des
Lumières amoureux.
Espoirs, amours, désamour
Mieux peut-être que son maître François
Boucher, qui personnifie la frivolité des
derniers règnes de l’absolutisme avec
une nuance péjorative très idéologique,
