Land Sea
Palazzo Falier, Venise
Du 6 mai au 22 novembre 2015
Commissariat : Danilo Eccher
Aux gogues la vie ! De misérable Oliver Twist à
la Dickens, l’Irlandais de Londres Sean Scully
est devenu le prince d’une abstraction émotion-
nelle et sensible, qui efface le temps dans des
bandes tremblées et des damiers de vapeur.
À l’occasion des 70 ans de ce maître beckettien
de la beauté triste, le Palazzo Falier à Venise
convoque la rigueur de sa série grecque
Doric
–
présentée par la galerie Lelong en 2014 – avec
la splendeur marine de sa série vénitienne
Landline
. Rencontre sur le Grand Canal.
Venise, reflet du monde
Emmanuel Daydé
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Vous dites que votre œuvre est très
autobiographique. Mais comment de simples bandes
peintes peuvent-elles être autobiographiques ?
Sean Scully
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J’utilise les horizontales et les verticales
en tant qu’éléments symboliques et psychologiques.
Les horizontales représentent l’endroit d’où nous
voyons notre propre monde. Les verticales sont
dans l’affirmation, de la même façon que nous nous
tenons debout. Je ne peins pas des abstractions, je
peins des relations. Il y a beaucoup de références
à des personnages et à la nature dans mon travail,
c’est pourquoi il a un aspect psychologique.
ED
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Cette psychologie ne serait-elle pas hantée par
l’histoire et la condition sociale de votre famille, tout
comme par votre passé contestataire?
SS
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Mon travail est impitoyablement émotionnel. Mon
grand-pèreétait unpatriote irlandais. Comme il refusait
de servir l’Angleterre, il a dû se cacher dans une cave,
avant que lesBritanniquesne l’arrêtent et ne le fusillent.
Comme vous pouvez l’imaginer, cela a fracassé ma
famille. Avec sept filles à nourrir et un petit garçon, ma
grand-mère a dû survivre commeune romanichelle sur
le bas-côté de la route. Au-delà de la seule souffrance
de l’Irlande, c’est toute l’injustice et la méchanceté
du monde qui nous sont tombées dessus. Lorsque le
magazine
Vogue
m’ademandédeposerunequestion, j’ai
risquécelle-ci :Nepensez-vouspasque lecolonialisme,
quelle que soit sa forme, engendre le terrorisme?
ED
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À peine sorti de la rue et de la délinquance pour la
peinture, vous émigrez très vite à New York dans les
années 1970 et passez de la figuration à l’abstraction.
Comment cela est-il arrivé?