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Dossier
On attendait une Biennale sombre, futu-
riste et féroce : elle est lumineuse, mélan-
colique et lyrique. Le broussailleux Jardin
du désordre voulu par le célèbre com-
missaire américain d’origine nigériane
Okwui Enwezor est une incroyable poly-
phonie visuelle et sonore de notre « âge
de l’anxiété ». En faisant appel, dans une
égale et juste proportion, aussi bien à la
peinture et à la vidéo qu’à la sculpture ou
à l’installation, au cinéma et à la musique
comme à la performance, ce désenchan-
tement du monde reste un enchantement
de formes. On pourra bien reprocher à
Enwezor de « privilégier les chiens de
garde aux chiens de chasse » – dixit un
Jean-Hubert Martin quelque peu jaloux –
pour coller au plus près de sa démonstra-
tion. Il n’empêche que cette convocation
intelligente, belle et forte, de 136 artistes,
jeunes ou vieux, originaires de 53 pays (et
dont 89 viennent tout de même pour la
première fois à Venise), fait écho plasti-
quement aux évènements qui agitent notre
planète. Si les 159 œuvres commandées –
un chiffre de création exceptionnellement
élevé – s’avèrent impuissantes à changer
le monde, elles le rendent supportable en
le montrant insupportable.
La lecture en quasi continu du
Capital
de
Marx, sobrement traitée façon oratorio
par le flamboyant réalisateur britan-
nique Isaac Julien, au sein de l’ARENA
(une « arène » inspirée du Parlement de
Londres et construite au cœur du Pavillon
International par l’architecte britannique
d’origine ghanéenne David Adjaye), n’appa-
raît pas comme une lecture hypocrite mais
bien comme une illusion perdue. Élevant
Venise, reflet du monde
Vue de l’installation de Fabio Mauri dans l’exposition
All the World’s Futures
, Biennale de Venise, 2015.
Courtesy de l’artiste et Biennale de Venise.
Par Emmanuel Daydé
All the World’s Futures
Arsenal / Giardini, Venise. Du 9 mai au 22 novembre 2015
Commissariat : Okwui Enwezor
Lemonde tel qu’il est
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Biennalede Venise
