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Dossier
La résistance des images
lui rendre hommage en construisant autour
d’elle une nouvelle constellation d’images.
L’exposition du Palais de Tokyo reprend le
projet du Fresnoy, pour le réadapter dans un
nouveau lieu, et y ajouter un nouvel élément
important. Si les espaces du Fresnoy impo-
saient de regarder les projections des images
à distance, au Palais de Tokyo le spectateur,
après les avoir contemplées d’en haut, est
plongé au cœur des images. Sorte de nou-
veau Dante, il se promène au sein des corps
évanescents et éphémères des projections
qui miment le thème de la lamentation, deve-
nant à son tour fantôme parmi les fantômes.
Vue de l’exposition de Georges Didi-Huberman et d’Arno Gisinger
Nouvelles Histoires de fantômes
.
Du 14 février au 7 septembre 2014, Palais de Tokyo, Paris.
phénomène ainsi : «Celui ou cela qui est
photographié, c’est la cible, le référent, sorte
de petit simulacre, d’
eîdolon
émis par l’objet,
que j’appellerais volontiers le
Spectrum
de
la photographie, parce que ce mot garde à
travers sa racine un rapport au “spectacle”
et y ajoute cette chose un peu terrible qu’il y a
dans toute photographie : le retour dumort.»
Se promenant au milieu de ces spectres,
dans cette immense « nécropole », selon
l’expression qu’Alain Fleischer a utilisée
pour l’exposition au Fresnoy, le visiteur du
Palais de Tokyo sera cependant frappé par
La photographie – mais c’est également le
cas du cinéma, dans la mesure où les deux
sont des techniques de l’apparition – a tou-
jours été un art des fantômes. Preuve en est
la large diffusion que la photographie spiri-
tiste a eue aux débuts de cette technique, ou
encore les différentes anecdotes racontées
par les premiers photographes, et dont le
cas de Baudelaire reste célèbre, concernant
la peur d’une «déperdition spectrale» que
l’opération photographique causerait.
Roland Barthes, dans son essai sur la pho-
tographie
La Chambre claire
, explique ce
Spectres, fantômes et revenants