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Dossier
La résistance des images
Georges Didi-Huberman et Arno Gisinger
Nouvelles Histoires de fantômes
Palais de Tokyo, Paris. Du 14 février au 7 septembre 2014
Par Sara Guindani-Riquier
selonGeorgesDidi-Huberman
Lamémoiredes images
L’exposition
Nouvelles Histoires de fantômes
, au Palais de Tokyo dans le cadre du programme
L’État du ciel
, se présente comme une surprenante fantasmagorie de la recherche de l’histo-
rien de l’art et philosophe Georges Didi-Huberman. Conçue conjointement avec l’artiste Arno
Gisinger, cette nouvelle installation interroge les montages d’images – à partir de l’
Atlas
Mnémosyne
d’Aby Warburg et de la pensée dialectique de Walter Benjamin – pour tenter
d’esquisser de nouvelles formes d’appréhension du monde.
Dans le mot « théorie », nous avons fini
par ne plus entendre la racine grecque
théorein
(« voir »)
qui fait de tout système
d’idées également une manière de voir le
monde, une sorte de théâtre – la racine est
la même – de la pensée.
Lorsque nous nous situons à nouveau
dans cette articulation originaire entre
les concepts et les images, et cessons de
considérer ces dernières dans un rapport
d’inadéquation, voire d’opposition, avec
les premiers, le parti pris de l’exposition
Nouvelles Histoires de fantômes
, qui voit
un « théoricien» reconnu comme Georges
Didi-Huberman dialoguer avec un artiste,
Arno Gisinger, et lui « répondre» visuelle-
ment, redevient une possibilité d’expres-
sion naturelle pour le savant.
Cette nouvelle installation de Georges Didi-
Huberman prolonge et fait écho à d’autres
expositions qui se sont succédé dans le cou-
rant des quatre dernières années : d’abord
il y a eu en 2010 l’exposition
Atlas. Comment
porter le monde sur ses épaules
, sorte d’
Ür
-
exposition
– à plusieurs titres, nous le ver-
rons – au Museo Nacional Centro de Arte
Reina Sofia de Madrid, qui a ensuite migré
pour se configurer autrement à Karlsruhe
et puis à Hambourg. Mais c’est sûrement
la version «repensée» pour les espaces du
Fresnoy qui inspire davantage l’exposition
actuelle. Les contraintes spatiales, tempo-
relles ainsi qu’institutionnelles avaient fait
en sorte que la version de l’
Atlas
du Fresnoy
apparaisse à la façon d’une «exposition à
l’époque de sa reproductibilité technique»,
selon le mot de Georges Didi-Huberman,
complètement affranchie des questions
liées aux politiques muséales classiques –
telles que le prêt, la distinction et la hié-
rarchisation entre l’original et la copie,
ou les contraintes liées aux stratégies
muséales. Les œuvres n’étaient présentes
ici que grâce à deux arts qui ont une fois
pour toutes rendu obsolète l’opposition
entre original et copie : la photographie et
le cinéma. L’idée était de projeter au sol
la quarante-deuxième planche de
l’Atlas
Mnémosyne,
consacrée par Aby Warburg au
thème de la
pietà
et des lamentations, et de
Georges Didi-Huberman et le théâtre de la pensée
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