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Artistes
Etel Adnan
et la modernité arabe
Galerie Claude Lemand, Paris.
Du 7 mai au 7 juin 2014
Etel Adnan in All Her Dimensions
Mathaf (Arab Museum
of Modern Art), Doha, Qatar
Du 18 mars au 6 juillet 2014
Commissariat : Hans Ulrich Obrist
On peut enfin regarder Etel Adnan comme l’une
des pierres fondatrices de l’art contemporain
arabe. Après la
Documenta 13
de Cassel, le
musée de Doha au Qatar et la galerie Claude
Lemand convoquent peintures, tapisseries, livres
enluminés et films de cette Reine de la mer liba-
naise de 89 ans. Miracle en Orient.
Pour retrouver l’unité perdue de l’univers, briser les caté-
gories d’Aristote et «rendre infinies les frontières de ce
qu’on appelle la réalité» (Artaud), Etel Adnan a dû passer
de l’Orient à l’Occident, franchir les océans, les conti-
nents et les gens. Née au Liban d’un père turco-syrien
musulman et d’une mère grecque orthodoxe originaire
de Smyrne, elle s’enfuit à l’âge de 24 ans à Paris pour
y apprendre la philosophie. «Ma tête restait française,
reconnaît-elle, je n’arrivais pas à me détacher de la
maison. J’étais rongée de culpabilité : mon père était
mort et j’avais laissé ma mère seule. Bien qu’étudiant
l’esthétique à la Sorbonne, je n’ai dû aller qu’une dizaine
de fois au Louvre. Dans les années 1950, la
Victoire de
Samothrace
et la
Vénus de Milo
étaient présentées très
proches l’une de l’autre : elles m’ont bouleversée. » On
s’étonnera moins, dès lors, des montagnes en forme de
poitrine féminine qu’elle peindra dans les années 2000,
qui semblent évoquer l’
Artémis polymastos
(«aux mul-
tiples seins») d’Éphèse. À Paris, Etel Adnan se souvient
encore d’avoir repéré un petit tableau, presque carré,
de Nicolas de Staël dans la chambre d’une amie russe
qui cherchait désespérément à le vendre. À l’instar de
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