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12
(
artabsolument
)
no 3 • hiver 2003
Alors que nombre d’œuvres, de nos jours, revendiquent leur caractère éphémère
comme un trait spécifique, comment en rester, avec Hannah Arendt, à l’idée que
l’œuvre se distingue du travail en s’inscrivant durablement dans le monde humain,
qu’elle contribue réciproquement à instituer ? En même temps, d’ailleurs, que paraît
s’éloigner de nous la confiance dans la
durabilité
des œuvres, la panoplie des
concepts clefs et des expériences types de l’esthétique paraît frappée d’obsoles-
cence, à commencer par la notion de
beauté
, comme si elle s’était vidée de sa sub-
stance, avait perdu toute pertinence. Comme si, en somme, le beau n’était plus le
sujet, plus à l’ordre du jour. Hegel affirmait, à l’inverse de Kant, le primat de la beauté
artistique sur la beauté naturelle ; mais aucun des deux ne doutaient qu’il y eût des
relations intimes entre l’art et la beauté. À celle-ci Breton croyait (la sachant fatale-
ment “convulsive”), et Matisse, et Picasso – et je crois bien Rauschenberg. Mais nous
savons désormais que l’art, pour se définir, n’a besoin ni du beau ni du laid.
Paul Valéry et Walter Benjamin, n’avaient-ils pas, chacun à son mode, clairement
perçu, dès la fin des années vingt du XX
e
siècle, la démonétisation du beau du fait de
la vitesse, du choc, de la sensation, de la mode, de la technique surtout qui, au prin-
cipe de la
reproductibilité
, porte un coup sévère, semble-t-il, à la singularité, ou plu-
tôt à l’unicité de l’œuvre ? Ces facteurs se lient entre eux et pointent, bien entendu,
dans une même direction : je veux dire cette perte de crédit des “plus hautes valeurs”
(religieuses, métaphysiques) qu’on appelle le nihilisme ou bien le “désenchante-
ment du monde”. C’est un fait que l’effondrement des grandes Causes (je les appel-
lerais des “transcendantaux” : la Nature, Dieu, l’Homme et l’Histoire…) a placé
l’homme contemporain, vivant dans une société à la fois postmoderne et surmo-
derne ou ultramoderne, devant une situation sans précédent, puisque ce n’est plus
une
croyance qui s’abîme (en attendant qu’une autre la remplace), mais le croire
comme tel qui semble avoir souffert mortellement.
Contrairement aux apparences, les sectarismes actuels de tous poils désespè-
rent (de) la croyance, en sont la maladie irruptive tombant au simulacre ruineux.
Le problème le plus considérable auquel le philosophe se trouve aujourd’hui
confronté est bien celui de l’origine de la légitimation, étant entendu que pareille jus-
tification est attendue comme nécessaire par les sujets, qui, pour s’instituer, ont
besoin d’une
référence
, et par la société, en tant qu’elle dépasse et dissimule
“L’art est un médiateur de l’indicible” (Gœthe)
Esthétique
Michel Guérin
Le nom de l’œuvre et la place du dieu
L’auteur du passionnant
Qu’est-ce qu’une œuvre
paru aux éditions Actes Sud en 1986 nous
propose le dernier état de sa réflexion esthétique à l’aune de ce que l’on considère, aujourd’hui,
comme une œuvre d’art.
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