Séraphin des Prades
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Pourquoi fais-tu tout ça ?
C’est une question que je me pose tou-
jours quand je vois le travail d’un
artiste. Pourquoi fait-il cela ?
Françoise Vergier
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Parce que j’ai commencé
et que la phrase centrale ne s’arrête
pas ! Je réponds surtout à une néces-
sité intérieure que je vis comme une
urgence à la limite de la colère. Je par-
viens à la transformer parce que je suis
devenue ce qu’on appelle une artiste,
même si je me sens comme tout le
monde, tout en me demandant com-
ment ils font eux, les autres, pour
résister. Être au monde n’est pas rien.
Être femme dans la société, devenir
une personne entière, se débarrasser
des
a priori
est déjà un gros travail.
SdP
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Quelle est cette colère dont tu parles?
FV
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Je suis une révoltée qui n’en a peut-
être pas l’air ! La rage me fait devenir
altruiste et attentive. Je pense que tout
art est au fond politique, même si je le
vis comme une quête qui me construit.
Je veux imprimer le regardeur malgré
lui, même s’il le refuse et l’exprime par
un rejet. La société étant violente, il est
difficile de rester calme.
SdP
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Quand on est dans l’art, je me dis
que l’artiste creuse un sillon. Quel
sillon creuses-tu?
FV
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L’autobiographique est indisso-
ciable de ma démarche. Je pourrais
dire que le sillon est mon féminin, en
tant que personne humaine façonnée
par le social et l’enfance. Il est aussi la
Françoise Vergier,
ou l’entre-deux du féminin
>
Sculpture
traversée de réalités certainement pas très éloignées
de celle des autres. Je fais comme un sculpteur, j’en-
lève les idées toutes faites pour atteindre la vérité de
ce que je cherche, je creuse en m’aidant du savoir et
des générations qui nous précèdent.
SdP
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Donne-moi un exemple de transformation en
objet d’art d’un événement de ta vie personnelle ?
FV
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Ma dernière exposition chez Claudine Papillon,
Conversation avec une âme défunte
, s’est fabriquée
autour de la perte d’un être cher et de mes tendres
pensées pour lui. Non pas d’un point de vue négatif et
mortifère si courant dans notre présent contemporain,
au contraire, j’aborde ce sujet universel en essayant
d’accepter la mort comme une épreuve naturelle,
essentielle, qui s’intègre dans le mouvement de la vie
et qu’il ne faudrait pas fuir ou rendre taboue, mais
s’en approcher tout doucement, pour soi-même.
La mort a un sens tout à fait conjoint à ce désir de
mettre au monde un enfant qui répond, lui, à notre
besoin d’immortalité. Ce désir-là est comme une
puissance océanique. L’enfant est un prolongement
de soi, égoïste. Nous n’acceptons certainement
Entretien avec Séraphin des Prades
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Où il est question de “vie et de mort”. Des puissances du faux. De dualité. De masques
et de simulacres. Échange entre deux protagonistes qui réfléchissent ensemble sur la
fonction de l’art en général et sur l’art de Françoise Vergier en particulier.
Françoise Vergier : Sur la terre comme dans le paysage II.
Du 28 mars au 28 juin 2008.
École des Beaux-Arts et Musée départemental de l’Oise.
Carte blanche au sein des collections permanentes
(sculptures, dessins), partenariat avec l’École d’art du Beauvaisis.
| ACTU |
Ci-contre :
Conversation autour d'un bureau.
2006-2007. Socle, portique en bois peint, bureau,
terre cuite émaillée, bibelots, livres, 197 x 200 x 120 cm.
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