 
          
            100
          
        
        
          culièrement bluffée. Quel geste sculptu-
        
        
          ral ! Après, en ce qui concerne les artistes
        
        
          ayant eu un impact dans la construction de
        
        
          ma démarche, les sculpteurs que j’ai eus
        
        
          comme professeurs aux Beaux-Arts m’ont
        
        
          bien sûr nourrie : Georges Jeanclos et Erik
        
        
          Dietman. Du premier, j’ai gardé la technique
        
        
          de modelage : je monte mes pièces autour
        
        
          d’un vide, échafaudant les formes du bas
        
        
          vers le haut, jouant entre la volonté d’éri-
        
        
          ger un volume et la tendance de la terre à
        
        
          s’effondrer. Mon travail est aux antipodes de
        
        
          celui de Jeanclos : il ne montrait jamais le
        
        
          corps, seulement le visage dans son carac-
        
        
          tère essentiel et permanent et les corps
        
        
          enfouis dans les plis de la terre. De même
        
        
          qu’il utilisait l’estampage dans des moules,
        
        
          ce que je n’utilise pas du tout. Quant à ma
        
        
          rencontre avec Dietman, elle fut essentielle
        
        
          dans ma formation car dans son atelier,
        
        
          tout était autorisé, permis, l’humour aussi,
        
        
          et on abandonnait l’esprit de sérieux de l’art
        
        
          moderne. De façon générale, c’est vrai que
        
        
          pendant ma formation, la sculpture était
        
        
          un monde d’hommes. Louise Bourgeois
        
        
          était l’unique exception, comme s’il n’y en
        
        
          avait pas d’autres ! Je trouvais un peu frus-
        
        
          trant que ce soit le seul référent à l’époque.
        
        
          J’étais très heureuse de découvrir grâce à un
        
        
          voyage d’atelier à New York le travail d’Han-
        
        
          nah Höch. Même si elle n’est pas sculpteur,
        
        
          sa pensée fut importante dans la construc-
        
        
          tion de mon travail. Avec son œuvre, elle dit
        
        
          des choses que je n’avais jamais entendues
        
        
          avant, sur l’identité, la sexualité, la guerre,
        
        
          sur ce que peut être le désir.
        
        
          
            Peux-tu évoquer la présence singulière de
          
        
        
          
            la couleur dans tes travaux récents?
          
        
        
          Dans la sculpture pour Dacca, il s’agit d’une
        
        
          couleur monochrome, des gammes de bleu,
        
        
          vert, gris, évoquant le milieu aquatique. Ce
        
        
          sont des émaux de grès de haute tempé-
        
        
          rature. Une forme complexe est difficile
        
        
          à émailler de manière polychrome. Il faut
        
        
          savoir doser entre la complexité des formes
        
        
          et celle de la couleur. C’est la spécificité
        
        
          de la céramique : elle ouvre un champ de
        
        
          possibles énorme d’une part avec la forme
        
        
          et d’autre part avec la couleur. J’ai plutôt
        
        
          tendance à privilégier la forme, sauf dans
        
        
          une série récente très polychrome,
        
        
          
            Self
          
        
        
          
            portrait as a frog wearing a trikini
          
        
        
          , qui est
        
        
          presque du côté de la peinture. Les maillots
        
        
          de bain m’ont servi de prétexte pour jouer
        
        
          avec les motifs géométriques et avec les
        
        
          codes de la peinture gestuelle «Supports/
        
        
          Surfaces». Je me suis beaucoup amusée à
        
        
          faire la peintre !
        
        
          corps. Et je suis assez fascinée par la série
        
        
          des
        
        
          
            Femmes à Dinard
          
        
        
          de Picasso pour leur
        
        
          évocation du corps qui est fragmenté et
        
        
          réorganisé en fonction de projections, de
        
        
          désirs. Entre figuration et abstraction.
        
        
          C’est une forme de liberté par rapport à
        
        
          la question de la représentation du corps.
        
        
          Cette problématique de l’évocation de la
        
        
          figure, en sculpture, est par ailleurs traitée
        
        
          de façon très pertinente dans l’exposition
        
        
          
            Picasso primitif
          
        
        
          au musée du Quai Branly.
        
        
          
            Quelles ont été les artistes femmes qui
          
        
        
          
            ont joué un rôle de «modèle » dans les
          
        
        
          
            fondements de ta démarche, particuliè-
          
        
        
          
            rement si l’on considère la question de
          
        
        
          
            la sculpture dans l’espace public ? Qu’il
          
        
        
          
            s’agisse de figures historiques, comme
          
        
        
          
            Niki de Saint-Phalle, ou d’artistes plus
          
        
        
          
            contemporaines?
          
        
        
          Oui, bien sûr, j’ai regardé Niki de Saint-
        
        
          Phalle. Son
        
        
          
            Golem
          
        
        
          à Jérusalem est admi-
        
        
          rable. J’adore aussi l’idée d’une grande
        
        
          figure dans le corps de laquelle on puisse
        
        
          rentrer… Plus récemment,
        
        
          
            Monochrome for
          
        
        
          
            Paris
          
        
        
          de Nancy Rubins sur les quais dans
        
        
          le 13
        
        
          e
        
        
          arrondissement à Paris m’a parti-
        
        
          
            ELSA SAHAL
          
        
        
          EN QUELQUES DATES
        
        
          Née en 1975 à Bagnolet. Vit et travaille à Paris.
        
        
          Représentée par la galerie Papillon, Paris.
        
        
          
            2017
          
        
        
          
            Women House 2
          
        
        
          , Monnaie de Paris
        
        
          
            Les Retrouvailles
          
        
        
          , Musée des Beaux-Arts de Brest
        
        
          
            Point Quartz - Flower of Kent
          
        
        
          , Villa Arson, Nice
        
        
          
            Surreal house
          
        
        
          , The Pill Gallery, Istanbul
        
        
          
            2016
          
        
        
          
            Delta
          
        
        
          , œuvre 1 % artistique, Ambassade franco-allemande à Dacca
        
        
          
            Ceramix
          
        
        
          , la Maison rouge, Paris et Bonnefantenmuseum, Maastricht
        
        
          
            2013
          
        
        
          
            Body and Soul
          
        
        
          , Museum of Art and Design, New York
        
        
          
            2008
          
        
        
          Résidence à la Manufacture nationale de Sèvres
        
        
          
            2000
          
        
        
          Début de la collaboration avec la galerie Papillon