60
LA COLLECTION BARJEEL
EN IMAGES ET EN SIGNES
Constatant que la modernité arabe reste peu visible dans le monde arabe comme ail-
leurs, l’émirati Sultan Sooud al-Qassemi s’est investi avec sa fondation Barjeel pour
donner aumonde une image de cette peinture qui, du Golfe auMaghreb en passant par
le Levant, s’est construite dans la négociation entre figure et signe, les revendications
identitaires face à la colonisation et les relations étroites aux expressions contempo-
raines occidentales. En 100 chefs-d’œuvre ponctionnés au cœur de cette collection,
l’exposition de l’Institut du monde arabe en montre un panorama. Et démontre notam-
ment que les artistes du monde arabe n’ont pas attendu l’âge contemporain pour se
préoccuper de politique.
PAR TOM LAURENT
Ouvrant le parcours, le rapprochement de trois
tableaux donne d’emblée la mesure d’une peinture
qui acte des interrogations plus qu’elle ne se nourrit
de réponses. Confrontant chacun à leur manière le
peintre à son image, les Égyptiens Ezequiel Baroukh,
Ahmed Morsi et Seif Wanly signalent la poussée
figurative dans sa dimension la plus intime. « Que
peindre lorsque la peinture n’est pas représenta-
tion ? » semble demander la toile de Baroukh, juif
et sympathisant communiste un temps proche
du groupe surréaliste égyptien Art et Liberté. Sa
Nature morte
réduit le schématisme rêche de sa
brosse à figurer une toile vierge sur son chevalet,
vis-à-vis d’une table désespérément vide en lieu
en place des fruits attendus. Avec son
Autoportrait
de 1970 par Morsi, si le peintre se montre, c’est en
se représentant dans le cadre d’un tableau abstrait
brisé, troublant la frontière entre sa personne et son
image. Seif Wanly, qui a comme Morsi connu l’ensei-
gnement de l’Italien Ottorino Bicchi à Alexandrie,
résistera moins ardemment aux vues francophiles
de son milieu aristocratique d’origine. Après avoir
mis de côté le folklore orientaliste pour dépeindre les
joies des loisirs modernes, la douloureuse perte de
son frère – lui aussi peintre – l’entraîne à obscurcir
100 chefs-d’œuvre de l’art moderne
et contemporain arabe. La collection Barjeel
Institut du monde arabe, Paris.
Du 28 février au 2 juillet 2017
Commissaire : Philippe Van Cauteren
INSTITUT DU MONDE ARABE
Ahmed Morsi.
Autoportrait.
1970, huile sur bois, 124 x 81 cm.
Courtesy Barjeel Art Foundation, Sharjah.
