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ACTUALITÉS
et figures fantomatiques, qui surgissent
de la
Tête
déformée de Bernard Le Nen
ou de la bouche d’une figure peinte
par Raphaëlle Ricol. L’hybridation fait
rimer angoisse et métamorphose dans
les sculptures de monstres de Joseph
Kurhajec qui trouvent un écho dans
le
Cavalier de l’Absurde
mi-homme mi-
cheval de Philippe Aïni. À travers le
malaise des indéterminations et des
personnages hurlant, la collection rend
latente la voix d’artistes européens et
sud-américains fuyant les dictatures. Et
matérialise leurs dénonciations d’une
violence aveugle, qu’elle soit incarnée
par le colonel sans visage, bardé de
décorations et crachant du sang de
Mario Ossaba ou par les sculptures en
barbelés de Jaume Xifra.
Chloé Gonda
l’ensemble de ce corpus se prête aisé-
ment à son jeu de mise en relation
formelle, appuyé par une scénographie
créatrice de sens.Toutefois, en prenant
pour guides des grands
topos
de la vie
humaine – les relations entre les sexes,
la mort ou l’animalité, entre autres –, le
parcours vient parfois édulcorer cer-
taines œuvres au profit d’un propos
général. On retient néanmoins de ce
panorama la sensation d’une explo-
sion de couleurs, d’un tourbillon de
formes, traits compulsifs, mâchoires
béantes, veines saillantes, esprits et
foules inquiétantes, érotisme des corps
et femme enfantant le chaos. Et force
est de reconnaître que les artistes
revendiquent l’omniprésence de la
psyché, à travers les fétiches, ex-voto
La Coopérative de Montolieu est depuis peu
dédiée à l’exposition des œuvres de la collec-
tion Cérès Franco. Galeriste prolixe de L’Œil
de bœuf, installée en 1972 rue Quincampoix
à Paris, elle a su réunir des œuvres singu-
lières, ouvrant les frontières de la création.
C’est l’expression de son regard qui a inspiré
L’Internationale des Visionnaires
.
La seule limite de la collectionneuse
brésilienne est l’abstraction. De fait,
sa collection incarne un tout autre
parti, celui de la Nouvelle Figuration,
remettant la figure humaine au centre,
et d’un expressionnisme viscéral au
service des pulsions humaines. À la
Coopérative de Montolieu, leur chro-
matisme et leur puissance d’expression
tranchent avec la blancheur immaculée
des lieux. En tant que commissaire de
cette
Internationale desVisionnaires
, Jean-
Hubert Martin s’essaie – comme pour
Carambolages
, récemment au Grand
Palais – à l’écriture d’une histoire
donnant voix exclusive aux œuvres et
s’adressant surtout à l’œil.Abritant des
images ambiguës qui se transforment,
se détruisent et se reconstruisent,
CÉRÈS FRANCO,
L’INTENSITÉ D’UN ŒIL
Vue intérieure de La Coopérative – Collection Cérès Franco, Montolieu. Dado.
L’Architecte.
1959, huile sur toile, 163 x 130 cm.
Donation Daniel Cordier – Centre Pompidou, Paris.
L’Internationale des Visionnaires
. La Coopérative-Collection
Cérès Franco, Montolieu. Du 29 avril au 5 novembre 2017