Revue Art Absolument N°90 - aperçu - page 8

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Sans postulat fort– « enchevêtrement du
biologique, de l’économique et du cos-
mogonique », indiquent les commissaires,
venus du Palais de Tokyo–, cette Biennale
de Lyon aurait pu aligner les platitudes.
Mettez l’idéologie de côté, elle devient
plus visible encore: celle qui remonte à la
surface aux anciennes usines Fagor tient
du «
playground»
– dont l’un des premiers
modèles, le « jardin d’enfants » ouvert
par le pédagogue allemand Friedrich
Fröbel en 1837, combinait jouets abstraits,
danses et courses ou encore jardinage.
Avec leurs marquages au sol encore pré-
sents, les grands plateaux des usines en
reconversion accentuent ce voile ludique,
qu’indique l’entrée par un grand portail
ésotérique violet de Shana Moulton et
qui recouvre même les chutes de matière
placées sous les portiques d’une chaîne
de montage par l’austère Khalil El Grib.
Dans le même sens, c’est à arpenter et à
explorer que convie ce paysage réunissant
les œuvres d’une cinquantaine d’artistes,
offrant ses meilleurs points de vue lorsque
celles-ci se touchent, voire se parasitent.
C’est le cas lorsque le spectacle des
« pantins » liés au plafond par une mem-
brane élastique de Malin Bülow à côté
de grands entrelacs de ronces en bronze
sculptés par Jean-Marie Appriou est
perturbé par la descente mécanique de
robes d’enfants qu’a orchestrée Fernando
LA BIENNALE DE LYON FAIT FRICHE
Si les eaux ne se mêlent que peu au musée d’art contemporain
tant chaque artiste y apparaît cloisonné dans son espace dédié,
les vastes halles industrielles des anciennes usines Fagor,
nouvellement investies par la Biennale de Lyon, prodiguent
l’effet inverse. Paysage d’œuvres à prendre en son entier, la
déambulation en son sein offre une expérience proche de celle
des tiers-lieux et friches occupés temporairement qui, de Berlin
à Détroit et maintenant un peu partout, sont devenus un modèle
d’activité pour la ville créative en période de crise.
Ivoirien de naissance, Ouattara Watts fut
aussi Parisien, puis New-Yorkais depuis
trente ans et l’invitation de Jean-Michel
Basquiat à l’y rejoindre à l’époque. C’est
à l’aune de ce cosmopolitisme qu’il faut
comprendre son œuvre, déjouant les assi-
gnations à une culture ou à un territoire.
Métissés, les motifs qu’il emploie se font
migrateurs et y redessinent une carto-
graphie où les cultures s’amalgament en
un tout. Regard sur la peinture moderne
européenne ou le cérémonial sénoufo,
écoute de la rythmique free jazz de Sun
Ouattara Watts, Résonances
. Espace Paul Rebeyrolle, Eymoutiers.
Du 2 juin au 17 novembre 2019
Ra ou afro-beat de Fela Kuti : chez lui, la
partition culturelle trouve son sens dans
les possibilités de relation qu’elle instille.
À travers vingt peintures et un ensemble
de travaux sur papier, l’Espace Paul
Rebeyrolle montre que Ouattara Watts,
avec son refus d’abandonner figuration et
engagement, rejoint les préoccupations
du peintre qui donne son nom au lieu.
Comme pour Rebeyrolle, la densité d’une
peinture agrégeant sable, tissu ou bois
exprime sa volonté de s’ancrer pleinement
dans la matérialité du monde.
EN
OUATTARA WATTS, PAR-DELÀ LES FRONTIÈRES
To Fela.
2011, technique mixte et collage sur toile,
247 x 265 cm. Courtesy galerie Cécile Fakhoury,
Abidjan / Dakar / Paris.
Vue de l’exposition
Là où les eaux se mêlent
, Biennale de Lyon, Usines Fagor, Lyon, 2019.
Au premier plan : Sam Keogh,
Knotworm
, 2019. Au second plan : Holly Hendry,
Deep Soil Thrombosis
, 2019.
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