Revue Art Absolument N°90 - aperçu - page 17

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Avec une large rétrospective consacrée à Peter Saul, le vilain petit canard du Pop Art
dont la peinture continue de faire grincer morale et violence de son Amérique natale,
le musée des Abattoirs de Toulouse et sa directrice Annabelle Ténèze continuent de
mettre en lumière des artistes majeurs souvent tenus à l’écart, à l’instar de Daniel Spoerri,
Judit Reigl et Hessie en 2017 ou Jacqueline de Jong fin 2018.
À New York, Peter Saul est admiré comme un
peintre intellectuel, un outsider de gauche; dans le
Michigan, il est un des parrains d’artistes contes-
tataires, les Hairy Who et les Chicago Imagists
comme JimNutt et EdPaschke; aumême titreque
Robert Crumb et les Grateful Dead, en Californie,
il tient un rôle important dans l’avènement de la
contre-culture. Depuis les années 1960, son art
l’insoumis du Pop
Peter Saul,
PAR RENAUD FAROUX
Peter Saul. Pop, Funk, Bad Painting and More
Les Abattoirs, Musée – FRAC Occitanie, Toulouse
Du 20 septembre 2019 au 26 janvier 2020
L’art comme contre-pouvoir
Natif de San Francisco, après des études à la
School of Fine Arts de la Washington University
puis à Stanford, Peter Saul débarque à 22 ans
en Europe. Comme un vrai beatnik, il vadrouille
jusqu’en 1964 entre les Pays-Bas, l’Angleterre,
l’Italie et s’installe à Paris où il expose dès 1962
à la galerie Denise Breteau. Il refuse un destin
«en costume cravate» à l’image de son père et,
La Twalette
.
1969, huile sur toile, 176 x 20 x 3 cm.
[mac] musée d’art contemporain, Marseille.
est particulièrement apprécié en France où il a
fortement influencé Eduardo Arroyo, Bernard
Rancillac et Hervé Télémaque. Assimilé au cou-
rant de la Figuration narrative, il participe avec eux
en 1964 à l’exposition constitutive dumouvement,
les
Mythologies quotidiennes
. La rétrospective tou-
lousaine, avec plus de 90 œuvres, couvre sa car-
rière depuis les années 1950 jusqu’à aujourd’hui.
comme il le dit avec humour, préfère vivre sa
drôle de version de femme au foyer : «Regarder
la télévision, faire l’amour, prendre une cuite, se
promener, lire des livres, n’importe quoi !!! et
aussi préparer des attaques de banques, com-
mettre un meurtre + peindre des tableaux ! »
Une certaine philosophie de la vie qui va inspirer
sa série
Modern Home
dans les années 1970…
Faisant de lui l’un des premiers à utiliser l’ima-
gerie de la consommation, ses toiles satiriques
et acerbes des années 1960, intitulées
Icebox
,
exhibent l’intérieur de réfrigérateurs où sont
peints pêle-mêle un bric-à-brac de paquets de
cigarettes, ballons de football, lampadaires,
côtelettes, bouteilles de bière, cabinets, haches
et revolvers… Saul moque ainsi autant le maté-
rialisme vorace et glouton de l’Amérique que
la violence de ses rues et de son quotidien.
Considéré comme une figure marginale dès
cette époque, son approche très polémique, très
caustique, très piquante, et
in fine
très politique
de l’art ne devait pas faciliter ses relations avec
ses collègues américains. Formé au surréa-
lisme abstrait d’Arshile Gorky, il invente son
propre langage en y injectant des formes issues
de la bande dessinée, des graffitis et des maga-
zines populaires – en particulier
Mad
. De fait,
son dessin reste libre, plein de vitalité, rappel
évident de celui des cartoons.
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