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Expositions
Sade. Attaquer le soleil
Musée d’Orsay, Paris – Du 14 octobre 2014 au 25 janvier 2015
Commissariat : Annie Le Brun et Laurence des Cars
Entretien entre Annie Le Brun et Pascale Lismonde
ou l’univers deSade aumuséed’Orsay
Écrivain, poète, critique, esprit subversif, proche d’André Breton et du groupe surréaliste, Annie
Le Brun défend les grands écrivains, figures de liberté, tels Césaire, Jarry ou Roussel. Ainsi que
Sade, qu’elle a lu « littéralement et dans tous les sens » pour l’édition de ses œuvres complètes par
Jean-Jacques Pauvert. Sa préface –
Soudain un bloc d’abîme, Sade
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– est devenue un essai majeur
autour de cet athée radical qui « dévoile au cœur de la pensée occidentale la ténèbre infinie qui la
fonde » et bouleverse tous les codes. En 2012, une première exposition pour la maison de Victor
Hugo,
Les Arcs-en-ciel du noir
, donne à Annie Le Brun le goût de conjuguer littérature et beaux-arts.
Henri Loyrette lui propose alors de créer une exposition autour de Sade au Louvre mais après son
départ de la présidence, Guy Cogeval reprend le projet pour le musée d’Orsay. Avec Laurence des
Cars, conservateur général et directrice du musée de l’Orangerie, Annie Le Brun est commissaire
invitée de l’exposition
Attaquer le soleil
. Titre offensif : il s’agit de montrer que la révolution des
profondeurs de la sensibilité provoquée par Sade en littérature s’étend jusque dans les arts. « À dire
ce qu’on ne veut pas voir, Sade aura incité à montrer ce qu’on ne peut pas dire. »
PascaleLismonde
|
Comment aborde-t-on les rela-
tions de l’œuvre de Sade à partir des col-
lections du XIX
e
siècle du musée d’Orsay ?
Annie Le Brun
|
Sade est pour le XIX
e
siècle la
figure maudite par excellence mais il
n’en est pas moins lu par tous ceux qui
pensent : Baudelaire, Flaubert, Huysmans,
Mirbeau…, les Goncourt l’évoquent fré-
quemment dans leur
Journal
, rendant
compte de sa présence dans les milieux
artistes qu’ils fréquentent. À l’inverse, Sade
ne semble pas avoir de rapport particulier
avec la peinture. Mais dans la mesure où il
est hanté par l’irreprésentable du désir, son
propos rencontre les préoccupations des
peintres d’alors au moment où les normes
de la représentation sont particulièrement
remises en cause, conséquence de la
période révolutionnaire et de la montée de
l’incroyance. C’est le début d’une révolu-
tion qui commence avec Ingres et Delacroix
pour se prolonger à travers Cézanne et
Picasso. En fait, cette exposition « révèle»
alors, au sens photographique, une his-
toire secrète au cours de laquelle le désir
échappe peu à peu à ses représentations
codées, y compris à celles de l’imagerie
licencieuse, pour devenir le sujet même de
Attaquer le soleil
Paul Cézanne.
La Femme étranglée
.
1875-1876, huile sur toile, 31,2 x 24,7 cm.
Collection musée d’Orsay, Paris.
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