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Artistes
Patrice Valota,
«Émouvance»de cire
Entretien entre l’artiste et Amélie Adamo
Comme un trésor caché dans son écrin de verdure, au fond d’une vallée enluminée de
bleus : l’atelier. En humble alchimiste, il nous ouvre les portes de son antre secret.
Pour nous, il opère. Devant lui, le corps allongé de sa muse endormie. Presque
religieuse sa peau de cire immaculée, on n’oserait la toucher. Dans le silence, une
odeur de paix. Et soudain, un crépitement de flammes. Caresses, incisions, percées.
Dans les veines transparentes, un afflux de couleurs. Ça se dilate, se fissure, res-
pire. La belle se lève. Effigie émouvante des mouvances du vivant, sa chair s’ouvre.
Explosions rougeoyantes, dilatation azur, nervures roses. Nous traversons un pay-
sage de matière, rencontrons des visages habités. Et puis déjà, recousue au fil d’or,
la beauté se rendort. Figées dans le corps blanc, les cicatrices du temps.
AmélieAdamo
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D’où vient votre désir de peinture?
PatriceValota
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Quand j’avais 12-13 ans, je jouais
à être peintre. J’avais des gouaches et des
couteaux de cuisine. Je peignais sur des
bouts de vieux draps et sur les murs de ma
chambre, je dessinais des têtes. Tout ça est
venu de reproductions d’œuvres que j’avais
vues à cette époque-là. Rouault m’avait
beaucoup touché. Plus tard, mes parents
m’ont inscrit en Arts appliqués. Mais ce
n’était pas les Beaux-Arts ! Cela ne me
convenait pas. Alors je suis parti ailleurs,
dans une autre vie. Je suis devenu acteur.
AA
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Qu’est-ce qui vous a ensuite ramené à
votre désir premier, celui de la peinture?
PV
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À 38 ans, c’est le métier d’acteur qui
m’a ramené à la peinture. En remontant
sur Paris, après avoir joué
L’Incarnation
de Louis Calaferte en Avignon, je me suis
arrêté chez Jean Cortot, grand peintre et
beau-père de mon ami Jean-Michel Ribes.
Il m’a ouvert les portes de son atelier. Ça
sentait bon. Je m’y sentais bien. Il y avait
une sorte de paix. Je me disais que c’était
là que je voulais être. Cortot m’a donné des
crayons pastels et du papier. Je suis allé
dessiner dehors, au milieu des oliviers.
Puis je n’ai plus arrêté et j’ai laissé tomber
mon métier d’acteur. J’ai énormément
travaillé pour rattraper le temps perdu.
J’ai appris la peinture et le modelage de la
terre. Les sculptures en terre m’ont amené
à faire des tirages en bronze. C’est en allant
dans une fonderie que j’ai découvert la cire
perdue, utilisée pour la fonte de bronze.
Cette matière m’a tout de suite plu. À partir
de ce jour, la cire ne m’a plus quitté !
AA
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Pourquoi la cire plutôt que l’huile?
PV
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C’était une manière de me démarquer.
À l’époque, la cire n’était presque jamais
utilisée. C’était un médium « neuf », sans
référence. Quelque part, je me sentais
aussi moins jugé. Il n’y avait pas de compa-
raison possible avec les «maîtres», comme
on peut le voir avec la peinture à l’huile.
Autodidacte, je n’avais pas de technique :
je m’en suis inventé une.
AA
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Quand on rentre dans votre atelier, la
première chose que l’on sent de façon très
prégnante c’est la cire… Cela fait penser à
une église… à l’odeur des cierges chauds…
PV
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Quand j’étais enfant de chœur, j’étais
porteur de cierge. La lumière, l’odeur,
l’église, les chants religieux, les vitrauxmer-
veilleux : tout cela m’a marqué. Peut-être
est-ce ressorti inconsciemment dans mon
travail et dans mon attachement à la cire!
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