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Lieu d’expositions
à Georges Rousse ou François Weil de venir
travailler à Chambord? Avez-vous pu être
surpris du résultat ?
YM
|
Oui, comme je le disais, le dialogue
pressenti avec l’esprit des lieux (multiple)
est constitutif du choix des artistes ; le
rapport de François Weil à l’espace et au
minéral, celui de Georges Rousse à l’ana-
morphose et à l’architecture participaient
de l’évidence de leur présence ici. On choisit
toujours pour ce qu’on sait, ce qu’on connaît
d’un travail, dans l’espoir de voir surgir une
forme inédite, une conflagration singulière.
Mais pouvoir inviter Rousse pour la première
fois dans un lieumarqué par la Renaissance,
c’est-à-dire l’invention de la perspective,
pouvoir y présenter pour la première fois les
trois étapes de son travail (dessins prépara-
toires, installations et bien sûr photos), voir se
développer dans son cheminement, grâce à
l’exposition ici, ce qu’il nomme ses sculptures
anamorphiques, c’était une vraie surprise,
plus encore : une chance ! Quant à l’instal-
lation de Weil, c’est l’inversion d’échelle qui
modifia radicalement la perception de ses
œuvres : devant Chambord, ses pierres n’ap-
partenaient plus au «genre» de la sculpture
monumentale…Au fond, toute exposition doit
être une aventure, un risque; sinon, elle n’est
qu’une production et se dévalorise en produit.
Et c’est, à Chambord, le lieu lui-même qui
induit la singularité de sa présence, c’est lui
qui la transforme.
TL
|
Parmi les artistes que vous avez pu
présenter par le passé – et c’est encore
le cas avec Philippe Cognée –, la plupart
sont peintres et s’avèrent particulièrement
sensibles, chacun à leur manière, aux bou-
leversements que connaît la figure contem-
poraine. Je pense notamment à Paul
Rebeyrolle ou à Djamel Tatah. Comment
vous expliquez-vous ces choix ?
YM
|
Travailler essentiellement avec des
peintres ou des photographes, cela cor-
respond à plusieurs critères. Tout d’abord,
les grands murs des vestibules se prêtent
particulièrement à l’accrochage de toiles
(de tapisseries à l’origine), et il serait beau-
coup plus complexe, pour des raisons de
conformation des lieux et de flux touris-
tiques, de travailler avec des installateurs
ou des vidéastes, même si cela a pu (et
pourrait) être le cas. De plus, les grands
lieux d’exposition de peinture sont assez
rares dans la région : l’inscription territo-
riale de Chambord plaidait donc également
en faveur d’un tel choix. Enfin, la méfiance
toute française envers la peinture, ces der-
nières décennies, m’a toujours paru pour le
moins étrange : en Allemagne, aux États-
Unis, en Angleterre, trois pays où j’ai vécu,
coexistent sans problème disons Richter
et Gursky, Johns et Viola, Hockney et Hirst,
pour ne citer que ceux-là… Alors oui, il y a
une part de subjectivité dans ces choix, ce
sont des artistes qui me touchent, m’inté-
ressent, notamment dans le rapport qu’ils
peuvent entretenir avec le lieu. Je n’en-
tends pas imposer une esthétique, simple-
ment susciter des résonances. Et ce que
vous dites de la figure peut être pensé, il me
semble, dans ce double rapport de subjec-
tivité et d’objectivité : l’objectivité, ce serait
celle qui tient au rapport au lieu (le châ-
teau royal dans sa dimension de galerie de
portraits) mais aussi à celle de l’histoire de
l’art, tant il est vrai que ce questionnement
de la figure, et plus largement du corps, est
central dans la figuration contemporaine.
La subjectivité, ce serait simplement ma
propre attirance pour des artistes qui ont
pu apporter des propositions puissantes et
singulières à partir de cette question. Et il
me semble que tout choix doit procéder de
ce double rapport objectif/subjectif, qui est
tout l’inverse d’un compromis, mais aussi
du fait du prince – même à Chambord…
TL
|
Pour d’autres artistes, l’intégration ou
le jeu par rapport à l’architecture et au ter-
ritoire apparaît constitutive de leur travail.
Est-la raison qui vous a poussé à proposer
Georges Rousse.
Chambord 2011
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