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Lieu d’expositions
À l’occasion de l’ouverture d’une exposition du peintre contemporain Philippe
Cognée au sein du château de Chambord, Yannick Mercoyrol revient sur sa vision
du domaine national et de l’action qu’il y mène.
feuilleté sémantique qui est d’ailleurs dans
le droit fil de la pensée de la Renaissance.
Toute vision prétendument « pure » est à
proscrire : elle est à la fois erronée scienti-
fiquement et dangereuse politiquement. Il
me semble essentiel demaintenir dans leurs
tensions fécondes ces différentes dimensions
dumonument, auxquelles participe sa postu-
lation artistique : le geste architectural qui fait
de ce château une sculpture monumentale.
Ence sens, laprésenced’artistes àChambord
souligne et prolonge cegestede création; elle
en habite la forme.
TL
|
Cette fascination pour les artistes, qui a
conduit François I
er
à attirer à lui Léonard de
Vinci, notamment, à quelles conditions peut-
elle être toujours d’actualité?Que représente
la venue de plasticiens contemporains dans
un lieu comme Chambord? À quoi ceux-ci
sont-ils sensibles ici, d’après vous?
YM
|
Avant toute considération technique ou
budgétaire, la condition essentielle est celle
d’un désir partagé. D’une envie commune,
d’une rencontre. Il existe une puissance
symbolique, inhérente au monument, qui
exerce un pouvoir d’attraction, de fascination
même, à laquelle les artistes sont sensibles.
Ensuite, exposer ici n’est pas chose simple :
entre les contraintes liées à la conservation
dupatrimoine, aux conditions d’accrochage et
aux flux des publics, l’artiste doit accepter les
règles du jeu… Et le programmateur éviter
de considérer les expositions comme de
simples danseuses ou pire : des plaisirs nar-
cissiques. Je crois que chaque exposition doit
être pensée comme essentielle, et se placer
dans la perspective d’une
augmentation
du
lieu. Mettre enmouvement le patrimoine, lui
conférer une dimension vivante, voilà l’enjeu.
Chambordpolyphonique
Entretien entre Yannick Mercoyrol,
directeur de la programmation culturelle
du domaine national de Chambord,
et Tom Laurent
Tom Laurent
|
Chambord est avant tout la créa-
tion d’un roi, François I
er
. Mais c’est plus
une œuvre d’art où se croisent les genres
de l’architecture, des jardins ou du spectacle
vivant qu’un lieu de résidence curial en tant
que tel, puisque François I
er
lui-même n’y
aurait que peu séjourné. Cette fusion des
arts dans un même domaine, alliée au rôle
qu’a pu y jouer Louis XIV, en font un produit
de l’absolutisme français. Aujourd’hui, entre
la symbolique politique et le lieu de villégia-
ture, comment penser Chambord?
Yannick Mercoyrol
|
Comme la plupart des monu-
ments, il faut penser Chambord endiachronie
et en polysémie. Diachronie car, comme vous
l’indiquez, plusieursmaîtres des lieux s’y sont
succédé (et à François I
er
et Louis XIV, il fau-
drait ajouter au moins le maréchal de Saxe,
Stanislas Leczinski et le comte deChambord)
et, même si tous ont respecté le plan archi-
tectural originel, ils ont néanmoins introduit
des modifications, des amendements qui
inscrivent le château dans le temps. Si l’on
ajoute à cela un étoilement des «significa-
tions»dudomaine, lisibledans sesacceptions
politique, cynégétique, artistique, mystique
et, aujourd’hui, touristique, on aboutit à un
Vue de l’exposition
Paul Rebeyrolle
au Domaine national de Chambord, 2012.
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