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Éditorial
hiver 2006/07 • no 19 •
(
artabsolument
)
page
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Première distinction à faire en matière d’œuvres d’art.
Tout ce qui est conçu, imaginé poétiquement, peint ou
composé en musique, ou même construit et formé,
relève soit de l’art monologué, soit de l’art devant
témoins. Dans cette dernière catégorie il faut également
ranger cet apparent art monologué, qui implique la
croyance en Dieu, toute la lyrique de la prière : car pour
un esprit pieux il n’y a point encore de solitude — cette
dernière invention ne date que de nous autres sans-Dieu.
Je ne connais pas de plus profonde différence dans l’op-
tique intégrale d’un artiste : savoir si c’est du point de vue
du témoin qu’il considère son œuvre en progrès (qu’il se
considère “soi-même ») ou si au contraire il “a oublié le
monde” : ce qui est essentiel à tout art monologué — art
qui réside dans l’
oubli
, art qui est musique de l’oubli.
Friedrich Nietzsche
Le gai savoir
(1883-84)
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