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Trois marqueurs de tombe Bura.
Niger, terre cuite, hauteurs : 90, 55 et 83 cm.
Collection Pierre Loos.
Entretien avec
Clément Thibault
PIERRE LOOS A PRESQUE CINQUANTE ANNÉES DE VOYAGES
ET DE NÉGOCE DERRIÈRE LUI. SPÉCIALISÉ DANS LES ARTS CLASSIQUES
AFRICAINS AVEC SA GALERIE AMBRE CONGO DES SABLONS, À BRUXELLES,
IL A AUSSI ÉTÉ LE FONDATEUR DE LA FOIRE BRUNEAF ET L’INITIATEUR
DE NOMBREUX PROJETS D’ÉDITION. MI-SEPTEMBRE, UNE PARTIE
DE SA COLLECTION SERA DISPERSÉE CHEZ PIASA. À TRAVERS UNE VACATION,
LA TRAJECTOIRE BIEN SINGULIÈRE D’UNE EXISTENCE.
PIERRE LOOS,
UN VOYAGEUR-MARCHAND
EN ESCALE CHEZ PIASA
Clément Thibault :
Qu’est-ce qui
vous a amené à céder une partie
de votre collection?
Pierre Loos :
À mon âge est venu le
moment de transmettre certaines
choses. J’ai voyagé dans le monde
entier pendant 50 ans, en Afrique du
Nord, en Asie, au Moyen-Orient et sur-
tout en Afrique centrale et de l’Ouest,
de 1968 à 2008. J’y ai découvert des
hommes, des objets, des histoires…
Comment avez-vous constitué
votre collection, voire vos collec-
tions, puisque même s’il existe un
fil rouge entre elles, elles occupent
différents champs : l’art et l’eth-
nographie africaine, la photo-
graphie ancienne et lamodernité
congolaises – qui feront chacun
l’objet d’une vacation.
Quand j’ai interrompu mes études
de médecine, au grand dam de ma
famille, je n’avais pas de passé colo-
nial derrière moi, mais un passé de
marchand aux puces, de brocanteur.
J’ai commencé tout en bas de l’échelle,
la meilleure manière d’apprendre. J’ai
été un chineur, celui qui sort des sen-
tiers battus, qui remonte des pistes…
Au début de ma carrière, j’ai constaté
qu’il y avait certains domaines réservés aux grands mar-
chands : les « grands objets », les fétiches et les masques.
Mais les mêmes se désintéressaient des arts considérés
comme mineurs : les objets usuels, parures, bijoux, objets
ethnographiques. C’est ainsi que j’ai commencé.
Quels étaient vos critères d’achat ?
L’ancienneté d’abord. J’ai horreur des copies et des faux, ça
m’écœure. Un objet doit être fait par des gens des tribus,
pour un rôle dans les tribus. Il doit avoir une patine d’usage.
Jamais il ne doit être âgé artificiellement, pour les touristes.
Bref, l’authenticité en premier lieu, l’originalité, et puis la
beauté enfin. Mais cela ne relève que de moi.
Quel regard portez-vous sur l’évolution du prix des
pièces d’art classique africain, en forte croissance?
Il est temps. Il était invraisemblable de voir que les témoi-
gnages artistiques primordiaux étaient considérés comme
de l’art de touriste. Quand on dépassait les 25 000
€
il y a
25 ans, on voyait fleurir les articles dans la presse. Ce n’est
plus le cas aujourd’hui, bien heureusement.
La deuxième vacation sera consacrée à Casimir
Zagourski (1883-1944), dont vous cédez un large
fonds…
Ce Polonais a débarqué à Kinshasa au milieu des années
1920 après avoir quitté l’armée tsariste sous la pression des
Bolcheviks. À l’origine, il était photographe dans l’aviation
de l’armée impériale. Là-bas, il a essayé de gagner sa vie et
a fait ce que les autres ne faisaient pas : photographier les
gens de Kinshasa et du Congo. Il a fait plusieurs voyages
en Ford T, dans les tribus, et a réalisé près de 1 600 clichés,
parmi lesquels il en a sélectionné 440 – tirés en format carte
postale en plus de quelques grands tirages, une cinquan-
taine. J’ai eu la chance de tomber deux fois sur des séries
de grands tirages et j’ai chassé nombre de ces petits tirages.
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