Art Absolument 80 - Novembre/Décembre 2017 - Aperçu - page 8

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ANSELME BOIX-VIVES,
GÉNIE DES ALPAGES
Anselme Boix-Vives
Musée des Beaux-Arts de Chambéry
Du 25 novembre 2017 au 11 mars 2018
Commissariat : Jean-François Chevrier
«Certains disent quema peinture est lunaire
et naïve », avouait Anselme Boix-Vives
en 1963. «Moi, je pense que lorsque j’étais
berger, je couchais dehors, et je regardais
la lune. J’imaginais qu’elle était peuplée de
gens ressemblant à ma peinture. » Quand
on sait que l’œuvre de Boix-Vives, auteur
par ailleurs d’un plan d’organisation mon-
diale utopiste
La Paix par le travail –
Du
nouveau sur la planète
, se conclut en 1969,
quelques mois avant que Neil Armstrong ne
marche effectivement sur la Lune, pourquoi
ne pas retenir ce qualificatif de « lunaire »
pour caractériser sa propre conquête
spatiale dans l’univers des formes ?
Inventeur d’un nouvel espace, où la figu-
ration se conçoit comme une abstraction,
où les lois de la perspective traditionnelle
s’abolissent dans une chronochromie qui
hachure le temps en différentes couleurs
et où l’inspiration jaillissante se modèle sur
la germination – ou la « fulmination» – de
la nature, Boix-Vives a effectivement pra-
tiqué une peinture interstellaire, des mon-
tagnes aux étoiles. Quant au qualificatif de
naïf, Jean-François Chevrier, commissaire
de l’exposition de Chambéry qui, lorsqu’il
a découvert l’œuvre de l’artiste, a cru que
le mot «naïveté» s’imposait à son propos,
a dû finalement convenir que celui-ci ne
tenait pas, face à l’incroyable expérimen-
tation dont elle fait preuve. Misérable valet
de ferme devenu commerçant enrichi,
exempt non pas de culture mais d’ensei-
Non revendiqué par l’Art brut, l’œuvre fulgurant et météorique de l’ancien
berger catalan à la retraite Anselme Boix-Vives explose toutes les catégories.
Après une rétrospective universelle à la Halle Saint Pierre en 2009, le musée
des Beaux-Arts de Chambéry replace les paradis lunaires de ce génie des
alpages dans leur milieu naturel : des montages aux étoiles.
PAR EMMANUEL DAYDÉ
gnement, ce Savoyard universel, qui peint
près de 2 400 œuvres à la retraite, durant
les 8 dernières années de sa vie, en inven-
tant ses propres règles, relèverait plutôt de
l’Art brut – comme le revendique le carton
d’invitation de son exposition à Moûtiers en
1964. L’année précédente, Jean Dubuffet a
redéfini son invention ainsi : «Des œuvres
ayant pour auteurs des personnes étran-
gères aux milieux intellectuels, le plus
souvent indemnes de toute éducation artis-
tique, et chez qui l’invention s’exerce, de ce
fait, sans qu’aucune incidence ne vienne
altérer leur spontanéité. » Mais lorsqu’en
allant filmer Boix-Vives chez lui en 1969,
Alfred Bader découvre un «homme simple,
honnête et bon », qui n’a rien du « farfelu
dérangé mentalement », le psychiatre
doit renoncer à son entreprise initiale, à
savoir la psychopathologie de l’expression
d’un cas délirant. Bien que les habitants
de Moûtiers, en Savoie, se moquent de lui
lorsqu’il expose ses premières gouaches en
1962 dans son grand magasin de primeurs
vide, cet artiste hors-normes a été presque
immédiatement remarqué par l’intelligent-
sia. Le critique d’art Guy Selz présente ses
premières œuvres, à peine sèches, à André
Breton. Séduit par « la spontanéité, l’élan,
la fraîcheur » de ses gouaches, le pape du
Surréalisme en reproduit une en couverture
de
La Brèche
. L’arrachant à tout embriga-
dement surréaliste, Denise Breteau, qui va
faire connaître Étienne-Martin jusqu’aux
États-Unis, incorpore le «jeune» peintre de
Moûtiers dans ce qu’elle appelle « le tes-
tament d’Apollon». Tandis que Val d’Isère
souligne l’ibérité de l’artiste en l’exposant
Salut
. 1969, ripolin et feutre sur carton.
Collection particulière.
DOSSIER
ART BRUT
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