95
AVEC
FRANÇOISROUAN,
MAÎTREREBELLEDESANGESDE L’HISTOIRE
François Rouan. Grands formats choisis au musée Fabre
à Montpellier & travaux d’aujourd’hui découverts à Laversine
Guttklein Fine Art, Paris
Du 27 octobre au 22 décembre 2017
Pascale Lismonde |
Comment est née cette
exposition?
SébastienPetibon|
Nous nous sommes rencontrés
il y a longtemps lors d’un dîner mémorable
chez un ami collectionneur. Je connaissais
François Rouan comme un familier de
l’aventure de Jean Fournier dont, jeune,
j’ai fréquenté assidûment la galerie pour
ses expositions souvent bouleversantes.
Par ailleurs, bien que j’aie montré bien des
abstraits – Martin Barré, Degottex, Judit
Reigl, Hantaï… –, et malgré mon admiration
ancienne pour le travail de François Rouan
qui s’inscrit dans la ligne que je défends,
il restait le grand absent de ma galerie.
Donc pour moi, c’est presque identitaire.
De plus, nous partageons bien des intérêts
intellectuels – l’œuvre de Georges Bataille,
des poètes Pierre Reverdy ou Bernard Noël,
ou de penseurs phares du XX
e
siècle tels
que Jacques Lacan ou Walter Benjamin.
François Rouan |
Pour ma part, j’ai toujours été
« Je tresse, donc je peins. » Ainsi pourrait s’énoncer la méthode fondatrice de
l’œuvre de François Rouan. Même si huit ans de profonde imprégnation ita-
lienne, entre la Villa Médicis au temps de Balthus et les fresques de Lorenzetti
à Sienne, l’ont fort éloigné du cartésianisme à la française. Pour en juger, voir
les onze tableaux historiques et récents exposés cet automne par Sébastien
Petibon en sa galerie Guttklein – une halte parisienne, enfin, entre la rétros-
pective
Tressages 1966-2016
conduite l’hiver dernier par Isabelle Monod-
Fontaine au musée Fabre, où le jeune François Rouan découvrit Courbet (une
première en sa ville natale), et la grande manifestation plurielle au château de
Compiègne confiée à Brigitte Hedel-Samson pour Pâques 2018. Soit un nouvel
affrontement avec le tragique de l’Histoire.
ENTRETIEN ENTRE L’ARTISTE,
SÉBASTIEN SIMON PETIBON ET PASCALE LISMONDE
impressionné par l’intelligence du regard
manifeste des accrochages de cette gale-
rie – le spectateur peut se laisser porter
par l’émotion ou la réflexion nées de la
juxtaposition ou du face-à-face de cer-
taines œuvres. Pourtant, dans la patholo-
gie du sensible qui m’occupe, je redoute les
lignages intellectuels, esthétiques, comme
les notions d’identité ou de famille. Mon
expérience du sensible me conduit plutôt à
me démarquer. À mon retour de Rome en
1978, j’ai choisi de devenir Picard, car ce
sont des « taiseux ». Pour moi, l’essentiel
se passe avec le tableau, auquel je crois,
car en cet espace, le mot qui manque ne
nous fait pas peur… Mais je fais confiance
au projet de Sébastien Petibon, et je veux
bien en particulier assumer le lignage
qu’il propose avec Simon Hantaï, car mes
tableaux sont en tension, comme en dispute
avec son œuvre.
SP |
Je me réjouis de cette aventure qui
commence. Et comme j’aime bien « faire
autrement », j’ai choisi d’exposer à la fois
des œuvres anciennes et récentes, des
Airial du cognassier.
2012-17, huile sur toile, 210 x 162,3 cm.
Courtesy de l’artiste et Guttklein Fine Art, Paris.