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Dossier
à des essais figuratifs. Dans les rapports de
vide et de plein, qui consignent une gram-
maire des formes à son essence graphique,
vient pointer un désengagement idéolo-
gique : attaché à l’ «éternité de l’art», celle
de Rabi trouve sa source dans la gestualité
de l’écriture sur les tablettes de bois de
l’école coranique du Moyen Atlas où il passe
son enfance. Entre retour sur une «identité»
antécoloniale et fabrique d’une «mémoire
en devenir», telle que l’appelle de ses vœux
le critique et écrivain Abdelkebir Khatibi en
1993, c’est dans la diversité des traits cultu-
rels du Maroc d’alors que cette génération
née à l’art avec l’indépendance va trouver le
ressort de ses œuvres.
Cette présence du signe, comme mise en
ordre du monde, de ses mouvements et
de ses invariants, visible encore dans les
«cartographies imaginaires» de Belkahia,
se retrouve dans les mandalas tatoués de
Mohamed Zouzaf, né en 1955 à Essaouira,
qui schématise un univers empli de sym-
boles, berbères notamment. Chez Abdelkrim
Ouazzani, la simplification de formes ico-
nographiques élémentaires permet l’éla-
boration d’un langage visuel poétique et
aisément saisissable par tous, dans des
peintures ou en volume. Se référant direc-
tement aux êtres, plantes ou animaux qui
l’entourent, sans les individualiser, ceux-ci
s’avèrent être «souvent plus des mots que
des dessins», selon ses termes.
adéquation avec ce qu’ils projettent de leurs
racines, les peintres qui ont vécu la coloni-
sation ne livrent pas leurs visages au miroir
qu’est la peinture. Et pourtant, un montage
photographique d’Hassan Nadim daté de
2013 réactive un
Autoportrait
de jeunesse de
ce même Belkahia réalisé en 1953, année
où le roi Mohamed V fut déposé et envoyé
en exil, peinture d’affirmation de soi com-
prise parMoulimEl Aroussi comme un geste
double : «Sortir de la tradition et s’émanci-
per de la domination coloniale. » Mohamed
Melehi, né en 1936, passé par l’école des
Beaux-Arts de Tétouan, par l’Europe puis
par les États-Unis, où il a participé à l’expo-
sition
Formalists
à Washington en 1963 en
compagnie notamment de Piet Mondrian,
Jean Arp ou Franck Stella, est très tôt au
contact d’une abstraction
hard edge
. Son
tropisme pour les formes franches et les
couleurs pleines rencontre un désir de vivre
avec les éléments de son environnement
natal, voire de les y intégrer à sa peinture,
et inversement. Les peintures murales qu’il
réalise à Asilah à partir de 1978 retiennent
la vocationmoderniste d’un art en prise avec
le quotidien, quand son motif archétypal de
l’onde en appelle à une vibration synesthé-
sique, souhaitant une mise en mouvement
de la société au-delà des arts plastiques.
Signes également chez Abdelkebir Rabi,
dont l’abstraction silencieuse, entre ombre
et lumière, succède à partir des années 1970
Mohamed Melehi.
Sans titre.
2013, technique mixte, 322 x 180 cm.
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