64
Dossier
L’ART AU MAROC
«L’entrée des Arabes dans la modernité ne
s’est-elle pas effectuée en grande partie
grâce à l’image?», n’en finit pas d’interro-
ger le Marocain Abdelfattah Kilito. «Peut-
être faudrait-il un jour se demander ce que
les Arabes ont perdu en entrant dans l’ère
de l’image. Ce qui est significatif, c’est que
l’image s’est imposée à eux précisément
au moment où ils ont rencontré l’Autre, au
moment où, au contact de son image, la leur
s’est brouillée. » Dans son dernier ouvrage,
ce professeur à la faculté des lettres de
Rabat, écrivant en arabe et en français,
s’exclamait encore : « Comment peut-on
être monolingue ? », pointant la nécessité
de se forger des armes pour décoder et
tirer parti du langage de cet « Autre » qui
finit par être soi. Sans doute la diversité des
langues en usage au Maroc trouve-t-elle un
écho dans celle des pratiques artistiques
retenues par les commissaires de l’expo-
sition
Le Maroc contemporain
à l’Institut du
monde arabe, lors de leur arpentage des
différents lieux où se crée l’art de ce pays.
Les signes de l’identification
Car, quant à l’image et à la rencontre avec
les formes occidentales, elles ont d’abord
été perçues, à partir des années 1960,
comme l’un des vecteurs d’un renouvelle-
ment artistique tourné vers la construction
d’une modernité spécifique au Maroc. Farid
Belkahia, né en 1934, est l’un des fondateurs
de ce projet moderne, où la prégnance des
signes sur les figures indique la négociation
entre une culture de l’écriture et du langage
avec celle de l’image : dans l’exposition, ses
peintures sur peau y renvoient directement.
Que ses œuvres donnent une visibilité à des
symboles amazighs ou islamiques, disper-
sés à même le support tendu, relève d’un
état d’esprit s’opposant à la figuration orien-
taliste à laquelle la peinture du Maroc était
assujettie. Pour retrouver une voie propre en
images d’aujourd’hui
Maroc :
Par Tom Laurent
Le Maroc contemporain
Institut du monde arabe, Paris
Du 15 octobre 2014 au 25 janvier 2015
Commissariat : Jean-Hubert Martin et Moulim El Aroussi
Youness Atbane, avec Zouhair Atbane et Omar Sabrou.
9oua-lab.
2013, installation, pains de sucre, projection Mapping 3D,
création sonore, 200 x 400 x 500 cm.