73
Expositions
Rome1500
La revanchedesBorgia
Par Emmanuel Daydé
Les Borgia et leur temps, de Léonard de Vinci à Michel-Ange
Musée Maillol, Paris – Du 17 septembre 2014 au 15 février 2015
Commissariat : Claudio Strinati, assisté de Stefania Pasti
Le Pérugin, maître de Raphaël
Musée Jacquemart-André, Paris – Du 12 septembre 2014 au 19 janvier 2015
Commissariat : Vittoria Garibaldi et Nicolas Sainte-Fare Garnot
Déplaçant le centre de gravité de la Renaissance de Florence vers Rome, le fas-
tueux pape Alexandre VI Borgia suscite un premier classicisme, en s’appuyant
sur des artistes venus de la périphérie italienne. Le musée Jacquemart-André
ressuscite l’art grandiose et délicat du Pérugin, tandis que le musée Maillol
célèbre le réalisme magique de Pinturicchio, deux maîtres ombriens auxquels
se confrontent avidement Léonard, Michel-Ange et Raphaël.
Élu pape sous le nom d’Alexandre VI en
1492, «l’année dumonde» – qui voit s’ache-
ver la Reconquista en Espagne tandis que
Christophe Colomb découvre l’Amérique –,
lemachiavélique Rodrigo Borgia vamarquer
son temps comme jamais. On aurait tort
cependant de ne retenir de ce règne de bruit
et de splendeur que sa luxure et ses crimes.
Comme tous les papes qui l’ont précédé (et
qu’il a fidèlement servis en tant que vice-
chancelier), Alexandre VI cherche à profiter
au maximum de la puissance pontificale,
en éliminant sans aucun état d’âme – par
la ruse, le poison ou le fer – tous ceux qui
peuvent le gêner ou l’entraver. Mais celui
que ses contemporains traitent de
« piu
carnal uomo »
(l’homme le plus charnel
qui soit) est un fin politique et un huma-
niste jouisseur. Mécène gourmand jusqu’à
l’orgie, il a compris, à l’instar de Laurent le
Magnifique (qui disparaît à Florence l’année
même de son élection), que les artistes sont
les meilleurs outils de propagande pour
mener à bien son rêve d’une Italie pontifi-
cale unifiée. S’il confie volontiers le soin de
réaliser son portrait aux Espagnols Juan de
Juanes ou Pedro Berruguete, il n’a de cesse
de rassembler autour de lui les artistes ita-
liens les plus en vue du moment. Ce pape
catalan contrebalance l’idéalisme florentin
(qui conduit au fanatisme de Savonarole)
en introduisant à Rome les âpres vérités
du gothique espagnol en même temps que
les douceurs du sentimentalisme ombrien.
Oubliée, cette exceptionnelle Renaissance
Borgia favorise l’éclosion d’une nouvelle
esthétique de paix et d’harmonie – à laquelle
aspire Alexandre VI sans y parvenir –, qui
prélude directement au classicisme romain
de Michel-Ange et de Raphaël.
1...,7,8,9,10,11,12,13,14,15,16 18,19,20,21,22,23,24,25,26,27,...28