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L’ART AU MAROC
Dossier
Entretien entre Mohamed Rachdi et Pascal Amel
Penser l’art
À l’occasion de ce dossier sur le Maroc de l’art, nous avons souhaité nous entre-
tenir avec un acteur important œuvrant dans ce pays même, fin connaisseur de la
scène artistique contemporaine marocaine et de ses développements. Mohamed
Rachdi livre ici quelques clés pour comprendre ses grands enjeux, qui concernent
une société tout entière.
Pascal Amel
|
Depuis une dizaine d’années, on
assiste à une véritable efflorescence de
l’art contemporain au Maroc ? Quelles en
sont les raisons ?
Mohamed Rachdi
|
Plusieurs facteurs ont permis
cette efflorescence. Efflorescence qui
demande d’ailleurs à être relativisée (nous
y reviendrons peut-être). D’abord l’essor
économique du pays, notamment depuis
l’accession au trône de Mohammed VI. En
effet, Sa Majesté est à l’origine d’innom-
brables initiatives. Il a permis aux forces
vives du pays de se déployer en libérant les
énergies créatrices et ce à tous les niveaux,
y compris donc celui qui nous concerne : le
culturel et l’artistique. Depuis 2005 notam-
ment, plusieurs galeriesmarchandes, salles
de ventes aux enchères et espaces d’expo-
sitions ont ouvert et proposent chaque jour
davantage de nouveaux artistes et de plus
en plus de collectionneurs particuliers et
institutionnels achètent des œuvres. Des
foires, salon et biennales poussent dans les
grandes métropoles du pays. Il s’agit donc
d’un contexte visiblement dynamique.
Mais il y a aussi la réalité de l’immigration
et de la mondialisation. En effet, nombre
d’acteurs du monde de l’art actuellement
au Maroc sont issus de l’immigration dans
différents pays européens et américains.
Certains vivent toujours dans la diaspora,
d’autres sont revenus au pays, d’autres
encore vivent à cheval entre leur pays initial
et le pays d’accueil. Ces acteurs apportent
leur expérience, leur notoriété, leur savoir
et leur expertise et participent aujourd’hui
au développement de la scène culturelle et
artistique du royaume.
Dans le contexte de la mondialisation éco-
nomique, le Maroc a su développer une
force attractive exceptionnelle. Les étran-
gers ne viennent plus au pays seulement
pour le tourisme folklorique, mais aussi
pour y investir dans différents secteurs, y
compris, de plus en plus, le secteur culturel
et artistique (des musées sont en cours de
création par des étrangers dont certains
ont déjà ouvert des galeries marchandes).
L’essor des nouvelles technologies facilite
aujourd’hui le déplacement des artistes
et leur permet de communiquer aisément
avec les acteurs et les artistes du monde
entier. Ce qui fait naître toutes sortes de
projets d’expositions, de résidences d’ar-
tistes et d’échanges culturels et artistiques
à l’échelle internationale.
PA
|
Peux-tu me parler de quelques artistes
marocains emblématiques, de génération
différente, de médium différent, dont les
œuvres te paraissent à la fois locales et
globales, singulières et universelles ?
MR
|
Il m’est bien évidemment impossible de
citer tous les artistes importants, mais je
peux, bien sûr, en évoquer quelques-uns,
ceci en essayant de les contextualiser.
André Elbaz.
La Mainmise.
1978, encre de Chine, écholine et gouache, 120 x 100 cm.
Courtesy de l’artiste.
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