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artabsolument
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no 6 • automne 2003 page
35
Entretien
Exposition Gauguin-Tahiti
Art Absolument : Que peut-on dire de
Gauguin avant son voyage à Tahiti ?
Claire Frèches : Beaucoup de choses, bien
sûr ! C’est à la fois un autodidacte et un
homme d'une grande culture. Je pense que
ce sont les deux points essentiels. Il se forme
tout seul, sur le tas, tout d'abord, comme
peintre du dimanche. Il apprend beaucoup de
Pissarro, mais c’est déjà le moment de la
crise de l’impressionnisme. Il sent très bien
qu’il va y avoir une rupture et il va en quelque
sorte la catalyser. Il va être le moteur essentiel
de la cassure avec l’impressionnisme.
Art Absolument : Il a une grande connais-
sance de l’impressionnisme ?
Claire Frèches : Oui bien sûr. Il expose avec
les impressionnistes et il collectionne égale-
ment leurs œuvres, notamment Cézanne
auquel il tient particulièrement. Il admire
énormément Degas et cette admiration tient
à son anticonformisme. Degas est le seul qui
comprend Gauguin lorsqu’il expose chez
Durand-Ruel en 1893 ; il avait d'ailleurs
acheté
La Belle Angèle
en 1891, et Gauguin
rapporte dans
Avant et après
que Degas dit de
lui : “Gauguin, c’est le loup.”
Art Absolument : En référence à la fable de La
Fontaine
Le Chien et le Loup
? Que veut dire
Degas en appelant Gauguin “le loup” ?
Claire Frèches : Gauguin est vraiment celui qui
revendique “la liberté de tout oser”. C’est une de
ses caractéristiques essentielles tant à Pont-
Aven que par rapport aux Nabis, mais aussi par
rapport à ce qui deviendra l’art moderne.
Art Absolument : On a effectivement l’impres-
sion qu’il ose tout… Qu’il est seul, libre… Cela
dit, on sait qu’aucun artiste ne vient de nulle
part… Quelles sont ses influences ?
Paul Gauguin.
Le Repas
ou
Les Bananes.
1891, huile sur papier marouflé sur toile, 73 x 92 cm. Paris, musée d’Orsay.
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À l’occasion du centenaire de la mort de Paul Gauguin, cette exposition met en relation
les œuvres-phares de l’artiste et l’art maori dont il a pu prendre connaissance lors de ces
deux séjours en Polynésie. Analyse du trajet singulier d’un artiste à la fois précurseur de
la modernité et “ethnologue”.
Rencontre avec Claire Frèches et Philippe Peltier, les commissaires de l’exposition