été 2006 • no 17 • spécial made in france
(
artabsolument
)
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de renouer avec l’esprit de diversité et de cosmopoli-
tisme qui fut celui de Paris durant l’entre-deux
guerres, d’où le choix de présenter des œuvres d’ar-
tistes français, ou qui séjournent dans l’hexagone et y
travaillent, afin de montrer la réalité de ce qui s’y
passe et non pas l’on ne sait quel triomphalisme
étroitement national dont nous n’avons cure : la
France qui importe est définitivement multiple,
hybride, composite ; c’est son histoire, son présent, et
sans doute sa meilleure “carte” à jouer sur le plan
international. De par sa situation centrale, son pres-
tige, son
vaisseau de métal et de verre
issue de la
modernité alors naissante, le choix du Grand palais
prouve également le désir
de donner un réel rendez-
vous avec la création en
France au plus large public
possible ; d’où, dans le
cadre de cette exposition,
l’importance accordée à
des manifestations ponc-
tuelles permettant d’attirer des publics pas forcé-
ment spécialistes de l’art contemporain (concerts,
films, conférences, lectures littéraires, poétiques,
etc.). Car, si toute œuvre est par définition autarcique,
si l’écart entre la production de l’œuvre et sa réception
immédiate est nécessaire – sans écart pas de nova-
tion – il faut en finir avec le terrorisme intellectuel
inhérent à certaines avant-gardes qui, sous couvert
de détenir “la vérité unique” à laquelle seuls
quelques initiés peuvent accéder, méprisent le regard
de l’autre : aujourd’hui il semble préférable de privilé-
gier l’empreinte sensorielle, émotive, spirituelle ou
conceptuelle des œuvres sur les spectateurs eux-
mêmes – ce qui
reste
(l’histoire : la nôtre, la vôtre…).
Au risque structurel d’un “art officiel”, Olivier
Kaeppelin précise que, très tôt, décision a été prise
de réunir une commission d’acteurs de l’art (cri-
tiques, historiens, enseignants, conservateurs,
artistes) venus d’horizons esthétiques différents,
puis de donner une “carte blanche” et un espace de
quatre cent mètres carrés à chacun des quinze com-
missaires pressentis pour constituer – si l’on veut –
une “exposition d’expositions”. Une autre décision –
conforme à cet esprit d’ouverture et de complémen-
tarité – a été d’adjoindre les lauréats de deux Prix pri-
vés, en l’occurrence les Prix Marcel Duchamp et Paul
Ricard. Enfin, des professionnels venus d’autres dis-
ciplines artistiques ont été chargés des programma-
tions annexes. Bref, il semble qu’une volonté
d’ouverture soit à l’origine du projet de
La Force de
l’Art
. Dont acte. Deux bémols cependant : est-il cer-
tain que tous les commissaires pressentis aient un
regard suffisamment singulier pour qu’ils ne s’équi-
valent pas (on s’étonnera, par exemple, de trouver un
même artiste retenu par plusieurs d’entre eux ; d’au-
tant que, par définition, ce type de manifestation
exclut des artistes pourtant talentueux, quelquefois
même incontournables – cf nombre de celles et de
ceux figurant dans ce numéro) ; d’autre part, autant le
mécénat ou le sponsoring jouent un rôle déterminant
en soutenant des expositions prestigieuses voire en
passant commande à tel ou tel artiste, autant la déci-
sion de mettre en avant l’appellation des maisons de
Haute Couture dans un espace qui leur est consacré –
même si l’on y présente des artistes – nous paraît une
inversion des préséances (la haute couture peut
certes être considérée comme une forme d’art mais
là n’est pas la question).
Cela dit – soyons “objectifs
– on voit que, globalement,
les bonnes intentions ne manquent pas : souhaitons
simplement que la scénographie, la complémentarité
des points de vue pressentis, le choix des œuvres
soient à l’aune de celles-ci.
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«La France qui importe est définitivement
multiple, hybride, composite. »
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