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Nicolas Macé |
Lors de la rétrospective au
LAAC, votre travail de peintre et celui de
réalisateur sont montrés conjointement.
Comment percevez-vous le rapport, voire
les différences, entre ces deux pratiques?
Jean-Michel Meurice |
Le milieu de la peinture
n’acceptait pas que l’on puisse faire deux
choses en même temps. Pour moi, la pein-
ture a toujours été une fonction naturelle,
jamais un métier. Lorsque j’étais enfant, je
faisais des dessins, des petites peintures
sérieuses. J’ai commencé à feuilleter des
livres d’art, à découvrir des œuvres : Monet,
Vuillard, Matisse, des choses toujours très
colorées… Assez vite, j’ai étudié les Beaux-
Arts, en Belgique, dans une école qui res-
semblait au Bauhaus, avec des architectes,
des publicitaires, etc. Mais je n’ai jamais
considéré cela comme un métier. J’avais
par contre le désir de faire des films. Cela
implique de l’argent, une production, toute
une machinerie à penser. J’ai eu la chance
de travailler d’abord sur des petits films sur
l’art que je faisais pour la télévision pour
laquelle je suis devenu un auteur régu-
lier. Mais j’ai toujours continué la peinture
comme une expression personnelle. Je
crois même que ce ne sont pas les mêmes
zones cérébrales qui sont en cause. La
peinture serait associée au cerveau pro-
fond, reptilien, et la réalisation au cortex.
L’instinct dionysiaque, transcendant, d’un
côté et apollinien, rationnel, de l’autre.
Dans un film, il y a des décisions techniques
à justifier. En peinture, je n’ai pas à m’expli-
quer pourquoi je mets un rouge ici ou un
vert là. C’est une intuition, un court-circuit
au sens réel du terme. Mon système de
peinture repose sur une sorte de tension,
une surface de couleur qui vibre par rapport
à un environnement non peint. Je dois trou-
ver des systèmes qui neutralisent l’expres-
sion de la sensibilité et la décision. Dans les
motifs végétaux réalisés au pochoir (
Suomi
,
Baixa
,
Kaariye Walid
), si je ne travaillais
qu’avec le pochoir et qu’après cela j’eus
voulu corriger les couleurs, cela impli-
querait des décisions d’ordre esthétique
et narcissique. Tandis que si je commence
par une grille de rouge, de noir, selon une
certaine géométrie puis que j’applique
ensuite les pochoirs, je ne décide pas de la
composition exacte de l’œuvre. Ce sont des
événements aléatoires qui s’inscriront dans
quelque chose d’organisé.
De haut en bas :
Le Crime aux USA.
1969, film documentaire, 120 min. TF1 / INA.
Pierre Soulages
. 1981, film documentaire, 55 min. TF1 / INA.
Caravage, dans la splendeur des ombres.
2016, film documentaire, 52 min.
Arte / France 5 / Cin t ve.
Ci-contre :
Yzlment 2
. 1974, teinture et acrylique sur toile,
202 x 310 cm. Collection LAAC, Dunkerque.